Bring the noise, le passionnant nouveau volume de Simon Reynolds, est la somme de deux décennies de travail. Le recueil d’articles (commentés et remis dans leur contexte) cherche à tisser « une sorte d’histoire de la musique populaire de ces vingt dernières années » en allant explorer à la fois dans le rock alternatif et le hip-hop. Il faut remonter le cours des années avec un journaliste qui a toujours été intéressé par une musique « qui résonne plus loin que le son pur ».
Nous sommes en 1985, quand les buts et les sens paraissent avoir été désertés. Heureusement que Nick Cave « formule dans son travail une aliénation si abstraite et pourtant si vive, si large qu’elle ne peut être localisée dans le champ subculturel », et semble bien parti pour être « le Leonard Cohen postpunk ou ce que serait devenu Jim Morrison ». Ou encore que les Smiths apportent la preuve « que l’arène pop peut encore abriter de la passion », avec leur capacité à projeter dans les charts« le spectacle de l’insatisfaction et du doute ». Reynolds s’emballe pour des groupes dont la production abrasive « vous retourne la tête ou vous laisse ébahi, gelé sous le son ». Il estime que penser longtemps à PJ Harvey, « c’est s’exposer au vertige ». Voit en Public Enemy « les Clash version noire », affirme que Nevermind de Nirvana « transforme l’impuissance en force brute, l’inertie en frénésie, la confusion en détermination ». L’auteur de Rip it up and start again, post-punk 1978-1984 (Allia, 2007) et de Retromania, comment la culture pop recycle son passé (Le Mot et le reste, 2012) fait preuve d’une belle énergie, que cela soit dans ses chroniques de disques, ses essais ou interviews. Ici, il cite Baudrillard et Roland Barthes, livre ses réflexions sur la voix dans la pop, s’interroge sur le règne de MTV ou la résurgence du folk et de la country. Un ensemble qui instruira les jeunes générations et se lira avec nostalgie par les plus anciennes ! Al. F.