Aux Etats-Unis, Gloria Steinem incarne une icône du féminisme et fait partie de ces légendes dont pourrait s'emparer Hollywood. Née en 1934 dans l'Ohio, elle connaît une enfance perturbée entre un père fantaisiste, lui transmettant le goût du nomadisme, et une mère engagée et dépressive. Le foyer explose quand elle a 10 ans. L'héritage parental constituera néanmoins le socle de sa personnalité. Sa mère, « éprise de liberté », la sensibilise aux tensions raciales et aux inégalités sociales. Deux thèmes dont la future passionaria va s'emparer, après un voyage en Inde. Elle devient journaliste pigiste et interviewe notamment Saul Bellow. Il « avait l'œil du romancier pour l'insolite », raconte-t-elle. La jeune femme tombe alors enceinte de son fiancé, alors qu'elle est sur le point de rompre. Gloria Steinem dédie ce livre au médecin qui lui permet d'avorter en 1957. Ce dernier lui a fait promettre une chose : « Vous ferez ce que vous voulez de votre vie. » Pour saisir « les clés de son destin », la pionnière se mue en fervente féministe. Christiane Taubira lui rend d'ailleurs hommage dans la préface de la traduction française de ces Mémoires. « Gloria Steinem ajustait sa conscience aux luttes qui font sens pour les femmes et les minorités opprimées. », écrit l'ancienne garde des Sceaux pour qui « le féminisme, c'est l'exigence d'égalité ». Gloria Steinem contribue à la création du magazine Ms. (avec Jane Fonda) ou du Women's Media Center, prônant plus de visibilité féminine. « Nous étions tous des électrons libres », se souvient-elle. Poussée par « la colère et la détermination », elle se définit comme « une conférencière, une rassembleuse ». Sa vision avant-gardiste perturbe l'ordre établi. « Le féminisme est mauvais pour la famille patriarcale, mais bon pour la famille égalitaire qui forme la base de la démocratie », écrit-elle.
Pour convaincre, Gloria Steinem prend son bâton de pèlerin. « Les médias ne sont pas la réalité, la réalité est la réalité. » Aussi, afin de se frotter à toutes les facettes de l'Amérique, la dame à la Harley traverse son pays d'est en ouest. « Nous avons tous en nous une moto violette. Il suffit de la trouver et de l'enfourcher, lance-t-elle. Le progrès se trouve là où nous n'avons pas été. » Etre sur la route devient son mode de vie, sa façon de transmettre la tolérance et la solidarité collective. Son militantisme la porte aussi vers la politique et elle participe aux campagnes de Hillary Clinton et de Barack Obama. « En tant que citoyens, nous avons également notre rôle à jouer », selon elle. A travers son expérience et celles des nombreuses personnalités croisées, on revisite l'histoire mouvementée la fin du XXe siècle : la guerre du Vietnam, l'assassinat de Martin Luther King, le sida ou l'abandon des Amérindiens. En cette ère trumpiste, la voix de Gloria Steinem est d'autant plus précieuse. L'acquisition de la liberté n'est pas linéaire, elle se construit jour après jour, génération après génération.
Ma vie sur la route - Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Karine Lalechère - Préface de Christiane Taubira
HarperCollins
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 19 euros ; 416 p.
ISBN: 9791033902874