22 août > 1er Roman France

Confirmant que les premiers romans ne sont pas tous fatalement autobiogra-phiques, la tout juste quadragénaire Sophie Van der Linden - spécialiste de la littérature pour la jeunesse, précise son éditrice Pascale Gautier chez Buchet-Chastel -, est allée très loin chercher son héroïne. Elle donne la parole à une jeune Chinoise de 17 ans, ouvrière dans une usine de confection. Mei vient de la campagne, d’une famille paysanne qui a envoyé le fils à l’université. Elle partage le quotidien éreintant et le dortoir avec onze autres petites mains de l’atelier, soumises au même rythme et promises au même horizon bouché. Le soir, elle lit parfois à ses camarades de chambrée le seul livre qu’elle possède, donnée par sa grand-mère. Et surtout, elle rêve, la nuit, de « Dévaler la pente, en fuite, urgemment », a des visions de « nuque chaude, palpitante », de « grain de peau mordoré »

«Votre ardeur au travail vous offre le meilleur des consentements », proclament les slogans renouvelés régulièrement sur les murs de l’atelier où cette petite esclave contemporaine, « couchée à une heure du matin, levée à six », s’épuise à coudre des chemises et des tee-shirts pour des clients lointains dans des cadences de machines… Mais le roman n’est pas seulement centré sur cette dénonciation : à la première personne, l’oppression s’incarne, se singularise, prend la voix simple, naïve, à l’exaltation encore enfantine d’une adolescente pleine de colère et de désir qui cherche à fabriquer son monde. Un jour, après l’esquisse d’un mouvement de rébellion de la part de Mei, le contremaître perd la face et quitte l’usine. Bientôt remplacé par un autre - « notre nouveau tyran ». Mais la jeune fille paie son insolence en voyant sa paye supprimée, et avec elle la possibilité d’aller passer les quatre jours des fêtes de fin d’année avec ses parents qu’elle n’a pas revus depuis deux ans. Dans la fabrique-prison désertée, pendant quelques heures, la captive connaîtra la fièvre de la liberté. V. R.

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