Cela commence par l’odeur de la terre de France que l’on respire comme une libération. Pierre Maillaud se trouve dans le Cotentin en juillet 1944. Une bonne date pour un homme fraîchement débarqué. Celui qui fut pendant quatre ans l’une des voix de la BBC à Londres sous le nom de Pierre Bourdan raconte. C’est un peu lyrique, juste ce qu’il faut pour des retrouvailles. On ne peut tout de même pas revenir l’œil sec. Puis le journaliste - il a travaillé pour l’agence Havas jusqu’en 1940 - reprend le dessus. De la Normandie jusqu’à Strasbourg, fidèle au serment de Koufra, de Leclerc, Bourdan accompagne la 2e DB.
Il qualifie son texte de "reportage". Il en a l’allure, la précision, le sens de l’anecdote et la qualité dans l’analyse du terrain. "Il est rare, chez les hommes, qu’un de leurs actes, si simple soit-il en apparence, soit déterminé par des causes également simples." Il le constate dans ce Paris qui se libère, barricades contre blindés. "Ce sont ces quelques heures d’absolue magie que seul Paris pouvait tirer de soi-même et faire vivre à tous ceux qui franchissaient ses portes, comme l’enchanteur des contes." Puis il traverse l’Alsace meurtrie et fait une incursion dans une Allemagne dévastée. "Le nazisme n’a pas seulement stimulé la haine dans l’action. Il a préparé la servilité dans la défaite."
Ce Carnet de retour a paru en 1945 chez Pierre Trémois. Réédité chez Plon en 1965, il fut oublié, comme tant de livres. A l’initiative de l’historien Guillaume Piketty, qui en a trouvé un exemplaire à la bibliothèque de Sciences po, il reparaît fort opportunément avec une préface qui rend hommage à l’auteur de ce beau document. Après la guerre, Pierre Maillaud fut élu député de la Creuse, puis de la Seine, avant de devenir l’éphémère ministre de la Jeunesse, des Arts et des Lettres, qui permit le Festival d’Avignon. En 1948, il se noie au large du Lavandou. Il avait 39 ans. L. L.