20 janvier > Roman France

Pascale Robert-Diard tient au Monde la chronique judiciaire. Pour qui prétend "basculer" du journalisme à la littérature, il n’y a pas de meilleur endroit que les prétoires. Un procès d’assises, c’est souvent un roman parfait où le profane côtoie le sacré, le mythe l’obsession. Pour l’éprouver ainsi au quotidien, la journaliste ne l’ignore pas. Elle en fait l’éclatante démonstration avec cette Déposition qui, avec le livre de Stéphane Durand-Souffland, Disparition d’une femme (L’Olivier, 2011), consacré à l’affaire Viguier, est sans doute ce que l’on a écrit de plus fort ces dernières années en "littérature judiciaire".

De quoi s’agit-il ? D’une histoire qui depuis près de quarante ans occupe bien des esprits. André Téchiné lui a consacré un film, L’homme qu’on aimait trop ; Michel Henry une enquête, Agnelet, l’homme que l’on n’aimait pas (Odile Jacob, 2008) ; et Patrick Besson un récit foutraque assez dans son genre, Le corps d’Agnès Le Roux (Fayard, 2008). Soit donc la mystérieuse disparition dans les derniers jours d’octobre 1977 d’une jeune héritière niçoise, Agnès Le Roux. Cette jeune femme ne sera jamais retrouvée et aux soupçons initiaux de fuite ou de suicide succéderont ceux d’assassinat qui aurait pu être commis par son amant, un avocat véreux du nom de Maurice Agnelet. S’ensuivront trois procès, entrecoupé d’une requête en révision devant la Cour européenne des droits de l’homme, au terme desquels Agnelet sera condamné à vingt ans de réclusion criminelle.

C’est au dernier de ces procès, au palais de justice de Rennes, que s’est intéressée Pascale Robert-Diard. Et plus précisément à la déposition qui l’a fait basculer. Celle du deuxième fils d’Agnelet, Guillaume, qui après avoir été un soutien sans faille de son père a décidé de dire sa vérité, et désormais accusateur, n’a sans doute pas peu contribué à convaincre les jurés. Lourde responsabilité, lourd secret, dialectique cruelle entre intime conviction et absence de preuves, le matériau qu’utilise ici Robert-Diard est éminemment romanesque. Dans son livre, retour aux Atrides autant que thriller psychologique, c’est moins l’affaire criminelle qui l’intéresse que celle (qui au fond, ne l’est pas moins), fascinante, qui oppose un père à son fils, un ogre à un enfant. Nul ne sortira tout à fait sauf de cette lutte, de cette étreinte. O. M.

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