Est-ce parce que Léopold Chauveau - d’abord chirurgien - en avait trop vu à la boucherie de 14-18, où il opérait les blessés, qu’il a été si drôle dans les contes pour enfants qu’il a écrits et illustrés par la suite ? Cet album, paru pour la première fois en 1927 et dédié au "Petit père Renaud", son fils mort à 12 ans, est un sommet de la littérature pour enfants. Célèbre dans toute la jungle africaine, le docteur Popotame guérit tous les bobos. Il n’y va pas de main morte avec ses ustensiles extravagants, une "popotacolle" qui vous recoud n’importe quel bestiau déchiqueté et laissé pour mort, ou encore une "popotapompe" qui insuffle la vie en moins de deux. Tout doué qu’il est, le toubib a quand même quelques ratés. Par exemple, ce malheureux éléphanteau à qui un requin a bouffé la moitié de la queue et qui s’est vu prescrire par Popotame une cure d’écrevisses matin, midi et soir. Pourquoi diable l’écrevisse ? Pardi ! Parce qu’elle a des vertus "pousse-patives" ! Au bout d’un moment, la queue, miracle, repousse, mais le pachyderme marche à reculons. Le bon docteur avait oublié la vertu "reculative" de l’écrevisse.
Ces fables animalières farfelues à souhait, souvent anticolonialistes, toujours pleines d’esprit et de fantaisie, regorgent de trouvailles et de mots-valises à la Lewis Carroll. Au grand naturel de la narration fait écho l’illustration spontanée et désopilante, simples traits d’encre noire. Roland Topor admirait cette œuvre anticonformiste. On le comprend. Fabienne Jacob