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RAR 2.0: La lettre recommandée électronique

RAR 2.0: La lettre recommandée électronique

Le droit français s'adapte aux mutations technologiques, ce qui comprend la signature et le recommandé, qui peuvent être tous deux électroniques.

Un décret, en date du 9 mai 2018, vient de donner naissance, en droit français, à la lettre recommandée électronique.

Ce texte s’inscrit dans le cadre du règlement de l’Union européenne du 23 juillet 2014 « sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur ».
 
C’est ainsi que la « vérification initiale de l'identité de l'expéditeur » est réalisée par l'une des modalités prévues par ce règlement.

Il est précisé, dans le décret, que, « postérieurement à cette vérification initiale de l'expéditeur ou du destinataire, le prestataire de lettre recommandée électronique peut leur attribuer un moyen d'identification électronique qu'ils utiliseront pour attester de leur identité à chaque envoi ou réceptionné ». Et, « Si le prestataire n'attribue pas de moyen d'identification électronique ou si le moyen d'identification électronique n'est pas utilisé, la vérification d'identité doit être effectuée dans les même conditions que la vérification initiale ».

La preuve reste le pont le plus crucial de cette opération : « le prestataire de lettre recommandée électronique délivre à l'expéditeur une preuve du dépôt électronique de l'envoi. Le prestataire doit conserver cette preuve de dépôt pour une durée qui ne peut être inférieure à un an. » 

Le décret précise que « cette preuve de dépôt comporte les informations suivantes :    
  1. Le nom et le prénom ou la raison sociale de l'expéditeur, ainsi que son adresse électronique ;  »
  2. Le nom et le prénom ou la raison sociale du destinataire ainsi que son adresse électronique ; 
  3. Un numéro d'identification unique de l'envoi attribué par le prestataire ; 
  4. La date et l'heure du dépôt électronique de l'envoi indiquées par un horodatage électronique qualifié (...)
  5. La signature électronique avancée ou le cachet électronique avancé (...) utilisé par le prestataire de services qualifié lors de l'envoi.
Par ailleurs, le décret dispose que « Le prestataire de lettre recommandée électronique informe le destinataire, par voie électronique, qu'une lettre recommandée électronique lui est destinée et qu'il a la possibilité, pendant un délai de quinze jours à compter du lendemain de l'envoi de cette information, d'accepter ou non sa réception. »

« Le destinataire n'est pas informé de l'identité de l'expéditeur de la lettre recommandée électronique. » Et que, « en cas d'acceptation par le destinataire de la lettre recommandée électronique, le prestataire procède à sa transmission. Le prestataire conserve une preuve de la réception par le destinataire des données transmises et du moment de la réception, pour une durée qui ne peut être inférieure à un an. (...) cette preuve de réception comporte la date et l'heure de réception de l'envoi, indiquées par un horodatage électronique qualifié. (...) En cas de refus de réception ou de non-réclamation par le destinataire, le prestataire met à disposition de l'expéditeur, au plus tard le lendemain de l'expiration du délai prévu (...), une preuve de ce refus ou de cette non-réclamation. Cette preuve précise la date et l'heure du refus telles qu'indiquées par un horodatage électronique qualifié, et fait mention des informations prévues ».

De plus, « en cas de retard dans la réception ou en cas de perte des données, la responsabilité du prestataire est engagée ».

La signature électronique

Rappelons que, en 2017, un autre décret est venu préciser les conditions de validité de la signature électronique. Il met le droit français en adéquation avec le Règlement du Parlement européen adopté le 1erjuillet 2016 et avec celui du Conseil de l’Europe datant du 23 juillet 2014 et portant sur « l’identification et les services de confiance ». 

Jusqu’à l’adoption d’une directive européenne en date du 19 janvier 2000, et le vote par la France d‘une législation spécifique dès le 13 mars 2000, la signature manuscrite originale sur papier dominait le régime de la preuve. Tout autre élément (tel qu’un témoignage) était d’une valeur bien inférieure à un écrit signé. 

Quant aux innovations technologiques, la jurisprudence considérait, au mieux, que la télécopie, par exemple, était assimilable à un « commencement de preuve par écrit ». Le régime juridique n’était donc pas favorable aux transactions en ligne, puisque les consentements exprimés par mail ou sur un site marchand pouvaient largement souffrir la contestation.

Le droit positif avait donc déjà évolué. Il faut noter par ailleurs que, en 2016, le Code civil a connu une importante réforme entraînant l’adoption d’un nouvel article 1367 relatif à l’« acte sous seing privé », autrement dit aux contrats ; ce qui a ouvert un nouveau de réflexion sur les accords conclus au XXIème siècle. 

Le texte du décret du 28 septembre 2017 dispose notamment que « la fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée, jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique qualifiée. » Et le décret de définir la « signature électronique qualifiée » comme « une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement susvisé et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l'article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement ».

Il existe en effet aujourd’hui trois types de signature électronique, tous encadrés par le Règlement du 23 juillet 2014.  
    
La signature électronique la plus simple consiste notamment en la numérisation de la signature papier ou le fait de cocher numériquement une case.
Mais ces mécanismes ne permettent pas prouver que le document signé n’a pas été modifié. De plus, l’identité du signataire n’est pas fiable.

C’est pourquoi, le droit européen a mis sur pieds la notion de « signature électronique avancée ». Il s’agit d’un système aux termes duquel la signature est liée au signataire de façon univoque, permettant entre autres de l’identifier. Il faut en outre conserver les données de création de la signature comme la possibilité de détecter toute modification du document signé.

Cela nécessite de faire appel à un tiers de confiance, qui garantit le dispositif. 

Reste donc la signature électronique qualifiée, seule visée par le décret de 2017 et donc, à ce titre, présumée fiable en droit (jusqu’à démonstration de la preuve contraire). Cettesignature électronique qualifiée repose « sur un certificat qualifié pour signature électronique ».

Ce « label » exige de prendre en compte la confidentialité des données de création de signatures électroniques. De plus, les données de création de signatures électroniques utilisées pour créer la signature électronique ne peuvent être utilisées qu’une fois. La signature doit être protégée contre toute falsification par les technologies actuellement disponibles. Le signataire doit aussi protéger les données de création de signatures électroniques utilisées et ce « de manière fiable » contre toute utilisation par un tiers.         

En outre, le dispositif ne doit pas rendre possible la modification des données à signer et ne doit pas empêcher la présentation de ces données au signataire avant signature.
Cela impose encore le recours à un tiers de confiance qualifié.

Le marché propose d’ores et déjà de telles garanties, en apparence bien complexes à appréhender pour qui n’est pas expert en informatique.    

La signature électronique, qui peut aussi bien servir à confirmer les achats réalisés chez un cyberlibraire que dans le cadre d’une cession de droits négociée et conclue par courrier électronique, n’a donc pas la même valeur juridique selon qu’elle est simple, avancée ou qualifiée. Là encore, le papier conserve donc pour l’heure son utilité…
 
Le droit français semble donc enfin adapté à la révolution numérique qui, en une vingtaine d’années, a transformé les pratiques de la société française et donc aussi celles du secteur du livre.
 
 

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