Avec lui, il est toujours question d'illusions perdues, de rêves brisés. L'oeuvre de Richard Yates (1926-1992) a été remise sur le devant de la scène après que Sam Mendes a adapté au cinéma l'un de ses titres les plus fameux, La fenêtre panoramique ("Pavillons poche"), avec Leonardo DiCaprio et Kate Winslet. Le succès en salle des Noces rebelles a entraîné la traduction d'une merveille publiée par l'Américain en 1976, Easter Parade (Robert Laffont, 2010).
Voici cette fois un autre roman implacable datant quant à lui de 1986. Dédié à l'écrivain Kurt Vonnegut, Un été à Cold Spring s'ouvre en 1935. Evan Shepard a 17 ans, il vient de tomber fou amoureux des automobiles et de leurs mécaniques. Le héros de Yates est le fils d'un capitaine de l'armée en retraite, Charles, et de celle qui reste aux yeux de son époux "la plus jolie fille du club des officiers" malgré ses accès dépressifs, Grace.
Les jeunes femmes, Evan commence juste à s'y intéresser et à leur plaire. Dans ses bras, il serre d'abord Mary Donovan, "une adolescente élancée à l'épaisse chevelure auburn et au joli visage qualifié de "provocant" par les autres filles". Les voici amants. Mariés, parents d'une enfant appelée Kathleen, installés dans un petit appartement à Huntington.
Evan devient apprenti ouvrier dans une usine de machines-outils, il prend l'habitude de rouler sans but. Mary, elle, se demande si tout n'a pas été un peu trop rapide. Elle aurait bien aimé aller à l'université, partir habiter à New York, rencontrer des gens intéressants...
Après leur divorce, Evan croise, à la suite d'une panne de voiture, la douce Rachel Drake, qui a quatre ans de moins que lui. Evan n'avait sans doute pas prévu de se retrouver aussi rapidement de nouveau marié, logé "dans une baraque minable" avec la "vieille mère cinglée" de Rachel... Ici encore, la terrible radiographie de l'existence et des rapports humains à laquelle se livre Richard Yates laisse le lecteur totalement pantois et admiratif.