Au musée Carnavalet, Lorenza Foschini a eu accès à une salle avec des néons et une table. Pour la journaliste italienne, on y a posé une boîte en carton qui, une fois ouverte, dispensait une odeur de camphre et de naphtaline. A l'intérieur, était rangé un manteau en laine gris taupe, croisé, fermé par une double rangée de trois boutons, avec une doublure de loutre. Pas n'importe lequel. Celui dont Marcel Proust "s'est enveloppé pendant tant d'années, celui étendu sur ses couvertures quand il écrivait la Recherche dans son lit".
Le délicieux petit livre - dont une première traduction a paru en 2008 chez Portaparole à Rome - que signe la directrice adjointe de Rai Notte se lit comme une variation autour de l'univers du grand Marcel. Et comme une amusante réflexion sur l'héritage et la famille. Lorenza Foschini y brosse un portrait fouillé du collectionneur qui fit don dudit manteau au musée. Propriétaire d'une usine de parfums, Jacques Guérin avait été soigné par Robert Proust, le frère de l'écrivain, à la fin des années 1920. Plus tard, découvrant que Marthe Dubois-Amiot, l'épouse du médecin, brûlait les papiers de Marcel ou s'apprêtait à les vendre, il les racheta aussitôt.
Féru de Proust, Guérin resta en contact régulier avec le brocanteur qui était également l'homme à tout faire de Marthe. Opiniâtre, il réussit d'abord à mettre la main sur un carton à chapeau contenant lettres et photos de premier ordre. Au cours d'une conversation, bien plus tard, le brocanteur finit par lui parler d'un vieux manteau que lui avait donné Marthe. Manteau qu'il enroulait désormais à ses pieds lorsqu'il allait à la pêche ! Mécène généreux, Jacques Guérin hébergea et aida Jean Genet - qui lui dédia Querelle de Brest - à sa sortie de prison, racheta à Maurice Sachs les manuscrits de Radiguet, rendit Violette Leduc follement amoureuse et mourut presque centenaire après avoir dispersé sa collection.
Lorenza Foschini lui rend un bel hommage dans un récit qui montre les aléas du destin. Un pur régal.