Economie

Quatre questions sur la bataille du pouvoir entre Lagardère et Amber Capital

Arnaud Lagardère

Quatre questions sur la bataille du pouvoir entre Lagardère et Amber Capital

Lagardère, propriétaire d’Hachette Livre, tient le 5 mai à huis clos son assemblée générale. Le premier actionnaire du groupe, Amber Capital, pourrait faire voter la révocation du conseil de surveillance. Une première étape vers l’éviction d’Arnaud Lagardère ?

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Par Isabel Contreras
Créé le 05.05.2020 à 11h42

L’avenir d’Arnaud Lagardère à la tête du groupe fondé par son père sera scellé cette semaine. Le groupe qui porte son nom, propriétaire d’Hachette Livre, du JDD, de Paris Match ou d’Europe1, mais aussi des points de vente Relay, tient mardi 5 mai à huis clos une assemblée générale. Le premier actionnaire, le fonds activiste Amber Capital, réclame le renouvellement du conseil de surveillance et le départ de l’héritier. 

1 - Que reproche Amber Capital à Arnaud Lagardère ?
 
Détenteur de 18% du capital, ce fonds activiste dirigé par le Français d’origine arménienne, Joseph Oughourlian, reproche à Arnaud Lagardère “une décennie d’erreurs stratégiques majeures”. Dans un communiqué de presse daté du 26 mars, Amber estime que le groupe aurait dû se recentrer plus vite sur “les branches d’activité performantes et rentables”, à savoir l’édition (Hachette Livre) et le travel retail (les boutiques d’aéroport Relay), au lieu d’investir dans des branches déficitaires comme le sport, moins stratégiques, cédé depuis l'an dernier.

D’autre part, Amber Capital souhaite mettre fin au régime de la commandite qui permet à Arnaud Lagardère de contrôler le groupe avec seulement 7,3% du capital. 

2- Pourquoi Arnaud Lagardère est-il fragilisé ?

Amber critique surtout les coûts des holdings personnelles d'Arnaud Lagardère, sérieusement endetté. L'homme d'affaires a logé ses actions dans Lagardère Capital & Management (LCM) et Lagardère SAS. Afin de monter au capital du groupe, entre 2004 et 2008, il a contracté une dette alors estimée à 478 millions d’euros. Refusant depuis 2009 de publier ses comptes, le tribunal de commerce de Paris l’a rappelé à ses obligations le 16 octobre dernier sous peine d’une amende de 2000 euros par jour. Mais le fils de Jean-Luc Lagardère a préféré payer l’amende.

Or, la semaine dernière, La lettre A et Capital ont révélé les comptes de 2018 de LCM et Lagardère SAS, confirmant l’endettement personnel du gérant de Lagardère, aujourd’hui estimé à plus de 208 millions d’euros. “A fin 2018, la dette nette de LCM s'élève à 208,9 millions d'euros, dont essentiellement un crédit bancaire de 166 millions d'euros auprès du Crédit agricole, écrit Capital. De son côté, Lagardère SAS supporte une dette de 202,9 millions d'euros, mais il s'agit apparemment d'une dette "interne" envers LCM”.

Si les actionnaires de Lagardère élisent mardi 5 mai les candidats d’Amber aux postes du conseil de surveillance, le fonds activiste basé à Londres “sera bien placé pour empêcher, en 2021, le renouvellement du mandat de gérant d’Arnaud Lagardère et ensuite négocier le changement de statuts mettant fin à la commandite par actions”, explique Le Figaro.

3- Qui soutient Arnaud Lagardère ?

Afin de contrer Amber, Arnaud Lagardère a recruté des alliés de poids comme l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy et l’ex-patron de la SNCF Guillaume Pepy dont les nominations au conseil de surveillance seront également entérinées lors de cette assemblée générale. Il a également obtenu ces dernières semaines deux nouveaux soutiens. 

D’après Le Monde, c’est par l’entremise de Nicolas Sarkozy que Vincent Bolloré a décidé de racheter 10,6% du capital de Lagardère. Le patron de Vivendi, propriétaire d’Editis, convoiterait Hachette. En parallèle, le patron de Webedia, site de médias en ligne, et de salles de spectacle, Marc Ladreit de Lacharrière, est monté au capital du groupe, à hauteur d’environ 3,5%. Les deux industriels voteront en faveur d’Arnaud Lagardère. 

L’actuel gérant devrait également compter sur le soutien du Qatar, deuxième actionnaire du groupe avec 13% du capital et 19,5% des droits de vote. Reste à connaître le vote des investisseurs institutionnels comme la Caisse des dépôts et consignations qui sera décisif. 

De son côté, Amber assure compter au moins sur le soutien des agences de conseil en vote, ISS, Glass Lewis et Proxinvest. 

4- Vers une fusion entre Editis et Hachette Livre ?
 
Si, pour l’heure, l’entrée au capital de Vincent Bolloré semble amicale, les connaisseurs du dossier s’interrogent sur les vraies intentions de l’industriel breton. Selon Mediapart, le patron de Vivendi laissera passer six mois avant de s’attaquer à Lagardère, dans l’objectif de toucher Hachette Livre. Le parcours de Vincent Bolloré “est jalonné de prises de contrôle, après une entrée au capital, dont Havas puis Vivendi sont les derniers exemples”, rappelle de son côté Le Figaro.

Si les autorités de la concurrence s’opposent à une fusion, Vincent Bolloré pourra toujours racheter quelques éditeurs, notamment dans le domaine scolaire. D’après La lettre A, Vivendi s’appuierait sur notamment Michèle Benbunan qui a été nommée directrice générale d’Editis en octobre. A la distribution d’Hachette entre 2001 et 2017, Michèle Benbunan “serait ainsi la mieux placée, jouant les transfuges, pour proposer à l'Autorité de la concurrence un savant détourage des deux groupes, comprenant quelques cessions aussi bien chez Editis que chez Lagardère”.

Mais Vincent Bolloré peut aussi être intéressé par la branche médias du groupe, faisant renaître ainsi le rapprochement entre le groupe Canal + et Europe 1 déjà à l'étude il y a trois ans. Ou vendre au plus offrant sa part dans le capital si aucun projet n'aboutit, ce qu'il a déjà fait en 1998, un an après avoir  pris une participation dans le groupe Bouygues.

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