Il y a un mois, l'indépendant marseillais, les éditions du Typhon, montait après seulement quatre ans d'existence sa propre collection de poche. Baptisée "Soleils noirs", cette dernière devait relever un défi simple : faire d'une petite collection de poche un outil plus efficace pour l'avenir d'un livre que le passage par un géant éditant le même format. 20 jours plus tard, le pari semble réussi. "Cette collection nous a permis de nous implanter dans plus de librairies et de mieux maîtriser notre catalogue", assure Yves Torres co-fondateur de la maison. Comme elle, de plus en plus de petits éditeurs font ce choix. Mais, entre coût de fabrication et tirages plus limités, lancer sa propre collection de poche est-il vraiment rentable ?
Petits tirages, belles réussites
"Le poche, c'est environ 25% de notre chiffre d'affaires", annonce David Vincent, co-fondateur de L'Arbre vengeur. Ancrée depuis vingt ans dans le paysage éditorial, la maison bordelaise décide en 2017 de lancer sa collection petit format "L'arbuste véhément". Une façon pour elle de "ne pas se faire siphonner" ses titres de fonds tout en continuant de les faire vivre après épuisement du grand format. "A notre niveau, faire du poche n'est pas une question de marge, il s'agit surtout d'installer un catalogue dans la durée", explique-t-il. Comme lui, c'est le postulat qu'a choisi Henri Trubert pour sa maison Les liens qui libèrent. Indépendante depuis le début de cette année, la maison créé Poche+ au printemps 2019. "A cette époque, nous avons remarqué une grande fidélité de la part de notre lectorat. Avoir ce type de collection était une façon de rendre encore plus cohérente notre ligne éditoriale", développe le fondateur de la maison qui, chiffres à l'appui - 38 000 exemplaires vendus de L'entraide l'autre loi de la jungle et 36 000 de Bullshit Jobs - illustre le succès de cette initiative.
Au delà d'un effet d'harmonie, l'idée est aussi de protéger son catalogue et la communication qui va avec. Car, même si le format est identique, la balance économique d'un petit éditeur indépendant ne se fait pas de la même façon qu'un grand groupe poche. "Quand on cède les droits d'un ouvrage, on n'en maîtrise plus la communication et parfois, le titre se retrouve perdu parmi les multiples sorties", explicite Yves Torres, prenant pour exemple les deux premiers romans de "soleils noirs". "Même si notre tirage est plus restreint, nous avons beaucoup moins de retours ce qui nous permet d'arriver à des chiffres équivalents".
Un équilibre encore fragile
Côté libraires, une vraie scission se forme entre les librairies de 1er niveau et les autres. "Tandis que ce format nous permet d'entrer dans plus de petites librairies, nos tirages sont trop faibles pour les grandes surfaces et les Fnac", explique Yves Torres, soutenu par Cyrille Bruneau de la librairie indépendante L'eau et les rêves. "L'effet collection de ce type de maisons est souvent très marqué visuellement. C'est très intéressant pour nous car cela accroche le regard des lecteurs et les attirent vers la table".
Initialement calculées sur des tirages de masse, les marges restent également faibles pour les petites éditions de poche qui parfois n'arrivent pas à atteindre la balance. C'est le cas de Quidam qui, suite à des difficultés économiques avait dû mettre entre parenthèses sa collection "Quidam poche". "Mais nous revenons en août avec une nouvelle tentative en poche intitulé "nomades"", glisse le directeur de la maison Pascal Arnaud.
Face aux faibles marges induites par le petit format, les éditeurs trouvent des alternatives. L'arbre vengeur comme Le typhon publient chacun leurs titres par deux. "Cela nous permet de diminuer les coûts de fabrication", dit Yves Torres. A Bordeaux, L'arbre vengeur choisi aussi des maquettes plus simples qui ne permettent pas de faire appel à un illustrateur.