Après plusieurs reports, l'audience du procès opposant à Google le groupe La Martinière/Le Seuil, rejoint par le Syndicat national de l'édition (SNE) et la Société des gens de lettre (SGDL), au nom de la défense des intérêts de leurs adhérents, s'est déroulée le jeudi 24 septembre devant la 3e chambre civile du tribunal de grande instance de Paris.
C'est la première fois que le moteur de recherche américain comparait devant la justice à propos de son programme contesté de numérisation de livres, annoncé en octobre 2004.
Le groupe La Martinière, qui avait assigné Google pour contrefaçon, par l'intermédiaire de ses filiales Abrams, Delachaux & Niestlé et Le Seuil, a considérablement relevé le montant de ses demandes de dommages-intérêts, estimant que l'atteinte à ses droits s'était aggravée depuis l'ouverture de sa procédure, en juin 2006.
Il y a aujourd'hui au moins 9 000 titres des différentes marques du groupe dans la base Google Recherche de livre a affirmé Me Yann Colin, qui a demandé en raison de ce préjudice “considérable et irrévocable”, 15 millions d'euros de dommages-intérêts, et une astreinte de 100 000 euros par jour.
L'essentiel de l'argumentation des trois plaignants s'est articulé autour de la loi applicable à ce différend, et de la nature de la contrefaçon.
Il s'agit bien de la loi française, a soutenu Me Marie-Anne Gallot Le Lorier, avocate du SNE, dans la mesure où la diffusion et la représentation des extraits de livres numérisés était constatée aussi en France, même si leur reproduction pouvait avoir lieu aux Etats-Unis, ce dont “nous n'avons aucune la certitude dans la mesure où Google ne fournit que des déclarations de ses propres services, mais ne communique pas les contrats signés avec les bibliothèques”.
La SGDL a pour sa part fait valoir que l'entreprise de numérisation de Google portait atteinte au droit moral des auteurs, en raison de la qualité exécrable des reproductions, des coupes aléatoires dénaturant les oeuvres, et de l'atteinte au droit de divulgation : “Cette numérisation systématique peut faire ressortir des oeuvres dont les auteurs ne souhaitent plus la diffusion”, a souligné Me Maïa Bensimon, qui plaidait pour la Société des gens de lettres.
Me Alexandra Neri, avocate de Google, s'est attachée à démontrer que, s'il y avait contrefaçon, c'était au contraire la loi américaine qui était concernée dans la mesure où la numérisation des livres, fait générateur du différend, avait lieu aux Etats-Unis.
Cet axe de défense rendrait de fait inutile toute décision d'un tribunal français, qui ne serait pas compétent.
Quant aux extraits, pour Google, ils relèvent de l'usage normal du droit de citation prévu en droit français, ce que contestent formellement les trois plaignants.
Me Neri s'est également vivement opposée à l'estimation du nombre d'oeuvres du Seuil numérisées, la jugeant grossièrement surévaluée dans le seul but de gonfler le montant des dommages-intérêts à obtenir d'une entreprise réputée pour avoir les poches pleines.
Le tribunal rendra sa décision le 18 décembre au plus tard.