Si les ventes des livres des candidats à l’élection primaire de la droite et du centre avaient valeur de sondage, le premier tour programmé ce dimanche 20 novembre réserverait une surprise : François Fillon arriverait devant Alain Juppé, pourtant donné favori dans les intentions de vote. "Ses livres ne se vendent pas", lâchait récemment sur France Inter le premier à propos du second. Un jugement sévère car le maire de Bordeaux n’a pas choisi la facilité avec sa série de textes programmatiques publiés chez Lattès, à rebours d’ouvrages qui tiennent plutôt du récit autobiographique et que préfèrent nettement les éditeurs.
"Il faut les pousser à dévoiler une partie de leur intimité et de leur vie personnelle, à ne pas confondre avec la vie privée", soutient Alexandre Wickham, directeur éditorial d’Albin Michel, qui a publié, en plus de François Fillon, deux autres candidats de la primaire, Nathalie Kosciusko-Morizet et Bruno Le Maire. Porté par sa base militante, le champion des librairies reste Nicolas Sarkozy, avec près de 250 000 ventes en deux livres, sur 493 700 volumes écoulés au total par les sept candidats ayant signé au moins un texte, selon l’estimation GFK/Livres Hebdo. Plon pourra regretter sa directrice éditoriale Muriel Beyer, qui a réalisé là son dernier coup avant d’annoncer son départ pour d’autres horizons. "Nicolas Sarkozy, vous ne l’avez pas comme ça : c’est le résultat de cinq ans de travail", expliquait-elle l’été dernier à Livres Hebdo (1). Fin août, elle avait encore organisé la publication du livre-programme de l’ancien président de la République, Tout pour la France, utilisé pour transformer en événement l’annonce d’une candidature qui n’aurait suscité aucune surprise sans cet artifice.
Cette campagne de la primaire, qui s’ajoute au calendrier de l’élection présidentielle des 23 avril et 7 mai 2017, a généré dès cette année 8,3 millions d’euros, dont plus de la moitié reviennent à Nicolas Sarkozy et son éditeur. Le candidat a bien vendu, à des prix plutôt élevés : 18,90 euros pour le premier (La France pour la vie, en janvier), et 18 euros pour le second. A un taux d’au moins 10 %, les droits d’auteur de l’ex-président de la République atteignent au minimum 400 000 euros.
Guerre des prix
Seuls François Fillon et Jean-François Copé ont osé un tarif plus élevé, à 20 euros, avec des résultats divergents : publié dès septembre 2015, Faire, le livre de l’ancien Premier ministre, a frôlé les 100 000 exemplaires, alors que Le sursaut français (Stock, janvier 2016), signé de l’ex-président de l’UMP, plafonne à 6 100 exemplaires. François Fillon a publié en octobre Vaincre le totalitarisme islamique, un deuxième livre plus circonstanciel, préparé dans le secret chez Albin Michel, à 9 euros pour 154 pages, dont les ventes avoisinent les 12 800 exemplaires. A 10 euros, Ne vous résignez pas ! (204 pages) de Bruno Le Maire demeure aussi très raisonnable, ce qui a pu aider à sa diffusion (35 100 exemplaires). Alain Juppé est resté à 12 euros pour ses trois livres-programmes (88 400 exemplaires au total), mais pour son dernier témoignage (De vous à moi) il a choisi l’autoédition numérique en diffusion gratuite sur son site de campagne et sur Amazon. En tête du top 100 des gratuits lors de sa publication en septembre, il est maintenant 55e, entre Le comte de Monte-Cristo et Sherlock Holmes. Nathalie Kosciusko-Morizet, seule femme candidate, n’a pas réussi à s’imposer (5 900 ventes), dépassant seulement Jean-Frédéric Poisson, du Parti chrétien-démocrate, inconnu avant cette primaire, et dont le sujet apparaît décalé (Notre sang vaut moins cher que leur pétrole, Ed. Rocher).
(1) Voir "Présidentielle : la course est lancée en librairie", LH 1093, du 19.8.2016, p. 30-33.