L'auteur de la bande dessinée et les deux réalisateurs se connaissent et se sont croisés à Aix-en-Provence, à l'occasion du Festival BD de la ville. Angelin Prejlocaj cherchait un projet cinématographique quand il a lu Polina, publié chez KSTR en 2011 (et disponible en format numérique depuis septembre). L'album, vendu à près de 50000 exemplaires, a été distingué par plusieurs récompenses: Prix des libraires de bandes dessinées 2011, grand prix de la critique BD 2012, meilleur dessin aux dBD awards 2012.
A Livres Hebdo, le chorégraphe confie qu'il a été immédiatement séduit par l'histoire, "un anti Black Swan", et par "la qualité et l'épure des dessins". Il nous fait remarquer que dans une case de la bande dessinée, Bastien Vivès lui fait un clin d'œil en dessinant un mouvement issu de sa chorégraphie Blanche Neige. Prejlocaj a toujours aimé son inspiration dans l'écriture des autres. Outre Blanche Neige, il a adapté Jean Genet, Laurent Mauvignier et a travaillé avec Enki Bilal sur un classique de Shakespeare, Roméo et Juliette, il y a vingt ans.
Récit initiatique
Le partage des responsabilités s'est rapidement mis en place entre les deux réalisateurs: Valérie Müller s'est occupée des comédiens tandis qu'Angelin Prejlocaj se concentrait sur le cadre, le mouvement et la danse. "Au fil du tournage, il y avait une porosité entre nos fonctions" nous explique la cinéaste. Comme la bande dessinée, le film est davantage une œuvre sur une danseuse qui se cherche que sur le milieu de la danse. La rivalité oppose une artiste à son art, et non pas à d'autres artistes. En Russie, "temple de la danse classique", à Aix-en-Provence, où la compagnie Prejlocaj réside, et à Anvers, où "sont quelques-uns des plus chorégraphes contemporains comme Jan Fabre" rappelle Valérie Müller, la jeune Polina va expérimenter différentes façons de danser tout en s'émancipant de ses parents et de sa patrie d'origine.
Ce récit initiatique, où nous croisons également Niels Schneider et Juliette Binoche, est autant une réflexion sur l'art qu'un portrait d'une danseuse. "Il était important pour nous de montrer que les danseurs vivaient normalement, même si leur art leur demande des sacrifices et peuvent même les blesser dangereusement" précise Angelin Prejlocaj, "et c'est ce qui nous a séduit dans l'histoire de Bastien Vivès". "Polina cherche sa propre voie, en partant du ballet traditionnel de l'école du Bolshoi pour arriver à une danse moderne proche du hip-hop. Je crois que nous passons tous par ces étapes."