Bande dessinée

Plus de 570 auteurs appellent au boycott du Festival d'Angoulême

Plus de 570 auteurs appellent au boycott du Festival d'Angoulême

"Nous, autrices et auteurs signataires de cet appel, appliquerons le boycott total du versant public du Festival d’Angoulême, en juin prochain, si aucun acte réel et concret n’est posé d’ici là" de la part de l'Etat pour que le travail des "autrices et auteurs" soient reconnus "comme me?tier et pas seulement comme vocation" explique le collectif Autrices Auteurs en Action dans son texte.

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Par Vincy Thomas,
Créé le 23.01.2021 à 13h00

Dans une Tribune datée du 21 janvier initiée par le collectif Autrices Auteurs en Action (AAA), et signée par près de 600 auteurs et dessinateurs de bandes dessinées ont interpellé la ministre de la Culture Roselyne Bachelot pour signifier qu'ils n'iront pas au Festival international de la Bande dessinée d'Angoulême cette année.

"Il y a un an, le rapport Racine – après les États Généraux de la Bande Dessinée 4 ans plus tôt – soulignait avec acuité les tensions persistantes au sein de la chaîne du livre et la précarité grandissante des autrices et auteurs. Ce rapport préconisait un positionnement de l’E?tat en tant que re?gulateur effectif du secteur qui permette de reconnai?tre la "carrie?re artistique comme me?tier et pas seulement comme vocation"" explique le texte en préambule, pour justifier sa colère. Aussi, "Nous, autrices et auteurs signataires de cet appel, appliquerons le boycott total du versant public du Festival d’Angoulême, en juin prochain, si aucun acte réel et concret n’est posé d’ici là, à l’endroit de notre statut professionnel, de notre représentation et d’un juste rééquilibrage de la chaîne du livre dont l’État et votre gouvernement ne peuvent rester les simples observateurs" clament les auteurs.

Déjà l'an dernier, 1400 auteurs avaient signé une tribune annonçant un boycott des événements à venir "si rien n’était fait pour rééquilibrer la répartition des revenus au sein de la chaîne du livre". 200 auteurs avaient même débrayé et manifesté en plein Festival.

Précarité et absurdités

Les signataires du texte publié jeudi dernier, qui s'affirment "maintenus dans un angle mort", reprochent notamment un double langage et un déni "quand le Festival d’Angoulême, dont la stature internationale appelle l’exemplarité, et la SNCF, son partenaire, se refusent encore cette année même à rémunérer les autrices et auteurs dont elles exposent le travail dans les gares de toute la France, alors que chacun des autres professionnels associés à cette tâche y prélève son dû."

Cette question de la rémunération est au cœur des revendications: "Le rapport Racine remettait en plein jour l’effarant et scandaleux trou noir que constituait la gestion des cotisations des autrices et auteurs par l’Agessa depuis 40 ans. Dès janvier 2020, le transfert administratif du recouvrement de l’Agessa vers l’Urssaf Limousin donnait lieu à des situations individuelles tellement absurdes qu’elles semblaient nées sous la plume d’un René, Goscinny ou Pétillon. Elles ne relevaient malheureusement pas de la fiction." "Des aides, ponctuelles, données à quelques-uns, selon des critères et des procédures souvent obscurs, ne peuvent en aucun cas tenir lieu de politique publique du livre sur le long terme. Depuis le rapport Racine, rien n’a changé pour nous et notre statut" poursuit le texte.

Du côté de Limoges

Le problème du recouvrement de l'Agessa vers l'Urssaf Limousin a empoisonné les relations entre les pouvoirs publics et les auteurs tout au long des deux dernières années. La liste des griefs est longue : bugs de messagerie, création de compte impossible, déclarations erronées... Mais ce qui a mis le feu aux poudres et provoqué la réaction des associations d’auteurs est la publication, début octobre, de l’échéancier de cotisations provisionnelles sur l’espace personnel des artistes-auteurs. Ce calendrier recense les acomptes trimestriels de charges sociales à verser, calculées sur les revenus de 2019 ou bien estimées à partir des revenus anticipés en 2020 et renseignés par l’auteur lui-même. Problème : certains artistes-auteurs constatent qu’ils doivent à l’Urssaf des sommes indues ou extravagantes. Ces dysfonctionnements, même s'ils tentent d'être corrigés, ont de graves incidences sur le quotidien des auteurs: "Que la transition technique soit difficile, étant donné la rapidité avec laquelle elle a été exécutée, personne n’est dupe. Mais les chiffres des déclarations enregistrées montrent que sur une population de 273000 auteurs, plus de 100000 n’ont pas encore été identifiés et restent sous le radar", expliquait à Livres Hebdo Samantha Bailly, présidente de la Ligue des auteurs professionnels.

Le Comité pluridisciplinaire des artistes-auteurs (CAAP) demandait en décembre la "levée de toute insécurité juridique" pour les artistes-auteurs et qu'ils ne soient pas pénalisés pour avoir mal appliqué le droit existant en matière fiscale, particulièrement retors dans leur cas, au moins "le temps d'informer les personnes concernées".

2020, année noire de la BD?

Dans un coup de gueule paru dans le numéro de janvier du mensuel Livres Hebdo, Fabien Vehlmann et Gwen de Bonneval appelaient déjà au boycott du FIBD. "Nous avions alors demandé aux auteur/trice.s de BD qui le voulaient de nous rejoindre sur scène - pour manifester notre mécontentement collectif face à une dégradation ahurissante de nos conditions de vie. Nous avions tous les deux conclu notre discours par cette promesse : « Nous ne reviendrons plus à Angoulême. Ni en 2021, ni les années suivantes. Aussi longtemps que la situation des auteurs et autrices ne s'améliorera pas de manière visible. » Nous appelions alors à une véritable refonte du milieu du livre. Pour simplement permettre à ceux et celles qui en sont les principaux contributeurs de gagner décemment leur vie."

Cette crise s'ajoute à celle du Covid-19, qui a largement amputé les revenus des auteurs, entre la fermeture des librairies et les annulations de foires, salons et festivals. Le 30 octobre dernier, Florence Cestac, Catherine Meurisse, Régis Loisel et Jul démissionnaient de leurs fonctions de parrains de l’Année de la BD initiée par le Ministère pour dénoncer "l’incohérence et les contradictions des choix politiques à l’égard de la culture et des métiers du livre en ce temps de pandémie". A Livres Hebdo, au moment de cette démission, Jul exprimait la colère des auteurs contre la fermeture imposée des librairies lors du deuxième confinement: "L’Année de la BD n’a pas été lancée pour faire vendre davantage de livres, elle devait célébrer la variété artistique d’un secteur et l’excellence d’un écosystème… La vraie façon de célébrer la bande dessinée, ce serait que tous les auteurs précaires et tous les petits éditeurs qui peinent déjà, survivent au-delà de 2020…"

 

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