En France où s’était réfugié en 1975 Me Pirotte, avocat condamné, à tort disait-il, pour avoir aidé l’un de ses jeunes clients à s’évader. Il y avait, chez Pirotte, du rebelle, du libertaire. C’est ici aussi qu’il avait fait son œuvre, abondante et multiple, saluée par de nombreuses récompenses (prix des Deux-Magots, prix Apollinaire…). Une cinquantaine de livres, depuis le début des années 1960, publiés à La Table ronde, au Temps qu’il fait, au Cherche Midi. Romans, recueils de chroniques, poèmes… Moins connu dans cet art, l’écrivain était également peintre : on lui doit Chemin de croix (La Table ronde, 2004), accompagnant des poèmes de sa femme Sylvie Doizelet.
Un titre prémonitoire, en quelque sorte. Car, depuis quelques années, Jean-Claude Pirotte était malade et, en janvier 2013, il n’avait pu se déplacer jusqu’au CNL pour recevoir le prix Goncourt de la Poésie-Robert Sabatier. Mais, jusqu’au bout, il a vécu par et pour l’écriture. Racontant dans Brouillard (Le Cherche Midi, 2013), son calvaire, y mêlant les souvenirs de jeunesse. Chaque nouveau livre de lui était un miracle, une rémission. Il y en aura encore deux à la rentrée : un recueil de poèmes Une île, ici au Mercure de France le 1er septembre et Portrait craché, au Cherche Midi le 21 août. Un récit autobiographique où Pirotte traite de lui à la troisième personne, jusqu’aux derniers paragraphes, où il passe au "je" : "Je ne sais à quoi je souhaite en venir sinon à cet indéfinissable état d’absence de tout bruit à l’extérieur comme à l’intérieur de moi-même, afin de… quoi donc ? D’accueillir la mort et en quelque sorte de lui faire place nette."
Jean-Claude Perrier