Le 28 mai 2019, le tribunal administratif de Paris a statué en faveur du Louvre, permettant ainsi au musée d’imposer ses règles en matière de photographie dans ses murs (et pyramides !).
Le litige émanait d’une journaliste qui n’avait pas pu photographier les expositions consacrées à Vermeer et à Valentin de Boulogne. Se sont joints à la procédure
Wikimédia France et le collectif
SavoirsCom1. L’interdiction s’applique seulement «
dans les salles d’expositions temporaires et de la Petite Galerie ».
La sécurité des usagers et des œuvres, tout comme les volontés des prêteurs et le bon fonctionnement du service public ont été invoqués pour la défense de ce règlement.
Les demandeurs arguaient d’une privatisation d’oeuvres tombées domaine public. Mais les juges ont estimé que le musée pouvait restreindre la liberté de ses visiteurs «
au sein d’espaces d’une superficie limitée à 2 % de la superficie totale du Musée du Louvre, nécessitent une limitation du nombre de personnes susceptibles de les visiter simultanément afin d’assurer une gestion des flux compatible avec les exigences de sécurité du public et des œuvres ». Ils soulignaient aussi que des autorisations étaient négociables, l’interdiction ne pouvant donc être assimilée à «
une atteinte disproportionnée au principe de la liberté de création ».
Dans le domaine de l’art, rappelons qu’aux termes de l’article L. 111-3 du Code de la propriété intellectuelle, «
la propriété incorporelle (...) est indépendante de la propriété de l’objet matériel. L’acquéreur de cet objet n’est investi, du fait de cette acquisition, d’aucun des droits prévus par le présent code (...) ».
Propriétaire matériel
Cela signifie que le propriétaire du support matériel d’une œuvre (un tableau, un tirage original, etc.) ne dispose pas des droits d’exploitation sur cette œuvre, sauf s’il en est stipulé autrement dans le cadre d’un contrat conclu avec l’auteur ou ses ayants droit. Cette règle dite d’indépendance des propriétés intellectuelle et matérielle s’applique quel que soit le cas de figure dans lequel l’œuvre a été acquise : commande publique, vente aux enchères, etc.
C’est donc aux créateurs ou à ses ayants droit qu’il faut en général s’adresser quand l’œuvre n’est pas encore tombée dans le domaine public (c’est-à-dire en général jusqu’à soixante-dix ans après la mort de l’auteur).
Mais, que l’œuvre soit encore protégée ou non au titre de la propriété littéraire et artistique, il existe désormais un droit au profit du propriétaire matériel.
C’est ainsi que les musées ou certains collectionneurs monnayent une sorte de « droit d’accès » à leur propriété.
En pratique, les propriétaires de biens mobiliers négocient parfois, en plus de ce droit d'accès, un véritable droit d’auteur sur les clichés de leurs biens quand ils les ont réalisés ou fait réaliser par leurs propres photographes. Un droit à l’image de même qu’un droit d’auteur s’appliquent ainsi, alors même que l’œuvre initiale (tableau, sculpture, etc.) appartient au « domaine public ».
Règles variables
Le droit d’accès permet d’interdire non seulement l’exploitation des images, mais également le simple acte de photographier… Chaque lieu (musée, gare, parc, etc.) peut donc fixer ses propres règles et prohiber totalement la prise de photographies ou la soumettre à une demande écrite, le paiement de droits, etc.
Il convient donc de se renseigner préalablement, au risque de se voir interdire de poser un trépied ou d’utiliser un flash, sans même évoquer les risques juridiques liés à l’utilisation du cliché. Les musées ont depuis longtemps développé ce type de réglementation. Et d’autres lieux en apparence publics (gares, parcs, etc.) ont mis en place des dispositions tout aussi draconiennes.
Ironie de l’histoire, depuis 2014, le ministère de la Culture incite les visiteurs d’établissements patrimoniaux à devenir «
Tous photographes ! » et la récents textes sur les donnes publiques visent à les rendre accessibles au plus grand nombre.