Philippe Mezescaze est un maître du flou artistique, des souvenirs tremblés, comme sur ces vieilles photos sans date que l'on retrouve par hasard un dimanche pluvieux, bien des années plus tard, et dont se dégage un puissant parfum de nostalgie. Celle de la jeunesse enfuie. À l'époque, c'est-à-dire à la fin des années 1970, Giscard était encore président − il vient effectuer à Nice une visite chez son vieil ami et complice Jacques Médecin, maire historique de la cité des Anges −, et le disco régnait en maître dans les boîtes de nuit. Le narrateur, jamais nommé, avait 23 ans. On ne sait pas grand-chose de lui, ni de sa famille. Si ce n'est qu'il a toujours sa vieille grand-mère, veuve, la seule à prendre soin de lui, à s'inquiéter pour son avenir. L'héritage de son mari a d'ailleurs permis au garçon de partir, sans soucis matériels. À Paris, il avait tenté de faire l'acteur, en vain, et subi une rupture sentimentale douloureuse avec quelqu'un qui pourrait bien être Hervé Guibert, jamais nommé non plus. Le voici donc à Nice, ouvert à toutes les aventures, à tous les possibles.
Il rencontre d'abord le Conservateur, directeur des musées de la ville, qui habite seul une folie XIXe, tout près du musée Masséna. Amoureux en secret du garçon, il lui propose de s'installer chez lui, en tout bien tout honneur, et lui trouve un vague boulot de chargé de mission au musée Chéret. Mais il sait qu'à la première occasion, son hôte, qui ne lui a rien promis, partira. Et c'est le cas. Assidu de Coco Beach, la plage naturiste, et de La Calèche, une boîte gay, il fait la connaissance d'une « triade magique » : Georges, fils du propriétaire d'un grand appartement au 18 de la rue Rossini, son ami Gaspard, et leur amie Paulina. Un trio libertaire, libertin, où il remplace bientôt Gaspard, pris par ses obligations familiales.
Vont s'ensuivre des mois de farniente, d'amours éphémères (comme avec le jeune Vincent, surgissant, nu, au balcon d'un appartement de la promenade des Anglais, qu'il n'a jamais revu), un « joli Suédois » fan de Dirk Bogarde (qui vivait à Grasse), ou Cyril, « l'enfant sauvage » gigolo. Il rencontre aussi un vieux comte, qui aurait été jadis l'amant de Marcel Proust.
Le tout est conté sans chronologie ni logique, les saynètes s'enchaînant comme les jours. La fin du trio est inéluctable, comme le retour à Paris, après cette parenthèse niçoise enchantée dont émane un charme romanesque envoûtant.
L'insouciance
Mercure de France
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 15 € ; 180 p.
ISBN: 9782715259164