Entretien

Philippe Francq & Eric Giacometti : "Les vrais milliardaires devraient lire Largo !"

Livres Hebdo

Philippe Francq & Eric Giacometti : "Les vrais milliardaires devraient lire Largo !"

Largo Winch s’expose à la Cité de l’Économie du 17 octobre jusqu’au 12 février 2021. A l'occasion de "Largo Winch, aventurier de l'économie", le dessinateur de la série, Philippe Francq et le scénariste, Eric Giacometti, ont évoqué la série BD à Livres Hebdo.
 

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Par Thomas Faidherbe,
Créé le 15.10.2020 à 20h29

Pour le 30e anniversaire de la saga Largo Winch, Citeco, la Cité de l'Economie (Paris 17e), lance une exposition dédiée au milliardaire aventurier le 17 octobre et jusqu'au 12 février 2021. Depuis le vingtième tome, Vingt Secondes, la série Largo Winch (Dupuis) n’est plus scénarisée par son créateur, Jean Van Hamme, qui a passé le relais à Eric Giacometti. A cette occasion, Livres Hebdo a rencontré le nouveau scénariste et le dessinateur historique, Philippe Franck.

Livres Hebdo : Vos deux numéros du dernier diptyque (Tome 21, L’étoile du matin et Tome 22 : Les Voiles écarlates) sont-ils un retour aux fondamentaux ?    

Éric Giacometti : L’idée c’est de faire entrer Largo Winch dans la modernité, tout en opérant un retour aux sources. Mais c’était aussi une demande de Philippe. Je ne suis pas arrivé en disant Philippe « il va falloir dépoussiérer tout ça ». Il en était conscient et c’est pour cette raison que j’ai été choisi. Au moment où il crée Largo, c’était moderne. Mais il fallait évoluer. Nous sommes sur la même longueur d’onde.

LH : Largo Winch est une série assez unique en son genre. Qu’est ce qui selon vous la distingue ?  
 
Philippe Francq : L’analyse que j’en fais après 30 ans est que Largo est un « Last Action Hero ». C’est-à-dire qu’après une longue période de BD, qui a commencé dans les années 30 avec Tintin puis qui s’est prolongé dans les années 50-60-70, avec Astérix, Gaston Lagaffe, Lucky Luke, puis au moment où Largo naît, la bande dessinée change de thématiques. Je pense par exemple à certaines BD érotiques ou des histoires avec des vampires. Des thèmes qui n’avaient pas vraiment leur place dans le 9e art, car elles étaient avant tout destinées aux enfants. En devenant plus adulte, les personnages, un peu comme les séries télévisées aujourd’hui, ne sont plus spécialement des héros mais des personnages lambda. C’est initié avec Van Hamme dans Histoire Sans Fin, au cours des années 80. Ça se renforce dans les années 80-90. Et Largo est un des derniers héros traditionnels, qui nait à ce moment-là. On a des personnages plus complexes, ni bon ni méchant. On ne dispose plus du héros, chevalier blanc, qui défend la veuve et l’orphelin. Alors que c’est quand même une spécificité de ce personnage. Il a des parties d’ombres et sombres, mais il s’inscrit dans une longue tradition de BD.   

LH: En combien de temps vous réalisez un diptyque de Largo Winch ?  
 
PF : On doit approcher des deux années et demi à peu près. Un album, si on ne compte que le dessin, ça se résume à une année complète de travail. Le scénario vient un petit peu en amont. Et puis il y a la couleur, la couverture, les repérages. Ce sont beaucoup d’étapes à passer pour avoir un album dans une librairie.

LH: Vous parliez de modernité. Comptez-vous aborder le féminisme et d’autres sujets de société actuels ?  
 
PF : On en parle. Il est sous-jacent dans Largo. C’est-à-dire que vous verrez dans le prochain album une femme supplémentaire qui s’installe autour du big board (conseil d'administration, ndt). Nous en avions déjà trois, ça fait une quatrième sur les douze apôtres. Quand on sera arrivé à six, on aura la parité.
 
EG : Il y aussi #MeToo. Sur les dernières planches de Philippe, on voit une manifestation #MeToo. C’est un truc qui n’avait jamais été fait avant. Largo, c'est le beau gosse, tombeur et milliardaire. A chaque fois, il changeait de femme. Mais là, il se prend une veste. La femme l’envoie paître en disant « j’ai dégagé le beau Largo Winch. » Avec cette action, c’est aussi une façon de faire évoluer le personnage, mais avec humour. L’humour est aussi une arme. Dans Largo, on peut se le permettre.  
 
LH: Qu'elle sera la suite pour le 23e volet de Largo Winch ? 
 
PF : Ce qu’il y a sur Instagram en dit long. Toute l’histoire est un long flashback. La première page rejoint le temps présent avant la 46e page. C’est un petit effet que l’on voulait conserver pour les lecteurs. Il y aura l’Indonésie et évidemment une partie qui se passe aux États-Unis, sur la côte ouest. 
  
EG : Pour la prochaine aventure, nous n’oublions pas les coins pourris des grandes villes. Dans cette histoire, ce sont des enfants qui travaillent pour récupérer de l’étain dans les mines de Largo. Ce point, nous l’avons trouvé dans un travail de journaliste. Donc, nous prenons à la fois les beaux décors et les alentours qui le sont beaucoup moins.

LH: Quel est pour vous l'album qui symbolise le mieux la saga?
 
EG : Le premier pour commencer. Mais tous les autres. Mais ce n’est pas seulement pour le jeune lecteur. Les vrais milliardaires devraient lire Largo. Bernard Arnault, Bolloré tous ces gens-là. Parce que Largo, c’est un milliardaire qui a une conscience sociale, qui est quelqu’un qui ne délocalise pas pour faire des marges. J’aurais tendance à leur dire « messieurs, lisez Largo vous allez avoir peut-être des idées sur la façon de gérer vos milliards. »
 

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