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Pays d’enfance

Pays d’enfance

Dans le Paris des années 2000, une jeune fille part sur les traces d’un oncle mystérieux, auteur fêté de romans d’aventures pour la jeunesse. Le premier livre de Déborah Lévy-Bertherat ne manque pas de charme.

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Par Olivier Mony
avec Créé le 11.10.2013 à 19h48 ,
Mis à jour le 11.10.2013 à 23h52

Qui se souvient du Séquestré de Mumbay, des Tapis sanglants de Lahore, du Cobra noir de Bornéo ou du Vol au Jardin des Fugitifs ? Qui se souvient de l’intrépide globe-trotter H. R. Sanders et des vingt-trois romans de la collection « La marque noire », dont il est le héros (et en même temps celui de bon nombre d’enfants lecteurs de la France des Trente Glorieuses) ? Qui se souvient de leur auteur, Daniel Ascher, un gamin juif, fils d’un photographe de la rue d’Odessa, adopté après-guerre par une famille auvergnate, excentrique, mystérieux, et qui disparaîtra à l’aube de ce siècle sans que nul ne sache où il a bien pu aller, laissant inachevé le vingt-quatrième volume de sa série, celui qu’il annonçait comme devant enfin révéler, dans leurs vérités trop longtemps dissimulées, H. R. Sanders et son créateur ?

Déborah Lévy-Bertherat n’a rien oublié. Et surtout pas, après Roland Barthes, qu’« il n’est pays que de l’enfance ». Les voyages de Daniel Ascher, le premier roman de cette chargée de cours en littérature comparée à l’Ecole normale supérieure, est gorgé d’une épice finalement plutôt rare dans le paysage littéraire français (surtout venant d’un ou d’une universitaire, serions-nous tentés d’ajouter perfidement) : le charme. Le vrai, celui qui, insidieux, s’empare du lecteur et le laisse fasciné, fatigué, et désireux de recommencer au plus vite cette délicieuse expérience de dépossession de soi. Suivant les traces d’Hélène, une petite-nièce de Daniel, venue poursuivre ses études à l’Institut d’archéologie et hébergée par son oncle dans un appartement de la rue Vavin, l’auteure signe un roman d’initiation infiniment troublant où chaque personnage est un peu l’obligé des autres, du regard qu’ils posent sur lui. Tout est affaire de point de vue dans ce coup d’essai et de maître, audacieux jusque dans sa façon de ne pas en avoir l’air, qui fait en quelque sorte se côtoyer Blake et Mortimer, les livres de la collection « Signe de piste » avec Dora Bruder… Ce voyage-là, immobile, est celui de l’enfance. Aussi dissipée que peuvent l’être les nuages. Olivier Mony

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