Originaire d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), né en 1930, fin connaisseur du monde greco-romain, compagnon intellectuel de Michel Foucault, repéré par Raymond Aron, grâce auqueli il deviendra professeur au Collège de France, l'historien Paul Veyne, installé depuis sa retraite à Bédoin (Vaucluse), au pied du mont Ventoux, est mort jeudi 29 septembre à 92 ans.
Grand spécialiste français de l'histoire greco-romaine, avec plus d'une vingtaine d'ouvrages à ce sujet, notamment de sociologie romaine et des mythes grecs, Paul Veyne s'est formé en classe préparatoire, d'abord hypokhâgne au lycée Henri-IV à Paris, puis khâgne au lycée Thiers de Marseille, après quoi il est entré en 1951 à l'École normale supérieure. Il a débuté sa carrière universitaire à la Sorbonne comme assistant, mais c'est à l'Université d'Aix-en-Provence qu'elle s'est principalement déroulée, de 1961 à 1975.
En 1971, avec la publication d'un livre majeur d'épistémologie Comment on écrit l'histoire (Seuil), Paul Veyne a démystifié de nombreuses idées reçues concernant l'histoire, qu'il jugeait avant tout subjective. L'historien est ainsi devenu une importante figure du débat intellectuel en France. Il s'est également intéressé à des facettes moins connues de la Rome antique, à l'instar de l'évergétisme dans Le Pain et le Cirque : sociologie histoire d'un pluralisme politique (Seuil, 1976), une étude de ce phénomène de mécénat des notables de la cité dans les mondes grec et romain. Bousculant les représentations répandues, il a, à titre d'exemple, dépeint la Rome antique comme « l'empire du bakchich et de l'extorsion [...] » dans son ouvrage L'Empire gréco-romain (Seuil, 2005), prix Chateaubriand en 2006.
Devenu professeur honoraire au Collège de France, Paul Veyne y a occupé la chaire d'Histoire de Rome de 1975 à 1998. C'est durant ses études à l'École française de Rome, de 1955 à 1959, qu'il s'est initié à l'archéologie. Il a d'ailleurs publié en 1957, dans le périodique de l'institution, Mélanges d’archéologie et d’histoire, un long commentaire d'une inscription latine dans un article intitulé La table des Ligures Baebiani et l’institution alimentaire de Trajan. Admirateur également du poète René Char, il lui a consacré un livre en 1990 dans lequel il analyse sa poésie, René Char en ses poèmes (Gallimard). Il en a fait de même pour son compagnon d'intellect, Michel Foucault, dans un texte paru en 2008 Michel Foucault : sa pensée, sa personne (Albin Michel).
L'historien a reçu le Prix Femina de l'essai en 2014 pour son récit Et dans l'éternité je ne m'ennuierai pas et le prix de la Bibliothèque nationale de France (BnF) pour l'ensemble de son œuvre en 2017. En 2007, il a publié une importante étude, Quand notre monde est devenu chrétien (Albin Michel), montrant comment le christianisme est devenu une religion licite par la conversion de Constantin, premier empereur chrétien, dans laquelle il mène aussi une réflexion sur les racines chrétiennes de l'Europe. Dans un ouvrage plus intime, Mon musée imaginaire ou Les chefs-d'œuvre de la peinture italienne (Albin Michel, 2010), Paul Veyne a voulu rendre hommage aux peintures qui l'ont marqué durant sa jeunesse.
Le dernier titre de l'historien disparu est paru en 2020 chez Robert Laffont en collection Bouquins, Paul Veyne : une insolite curiosité, un recueil de textes sélectionnés dont l'édition est établie et présentée par Hélène Monsacré, avec une préface du journaliste Christophe Ono-dit-Biot.