18 août > Essai Italie

Spontanément, comme pour l’enfer, on a tendance à désigner les autres. Voilà pourquoi traiter des imbéciles est un sujet glissant. Pas pour Giovanni Papini (1881-1956). L’écrivain italien s’est déjà intéressé aux abrutis, aux médiocres, aux ladres et d’un peu trop près au fascisme pour ses détracteurs. Il n’est donc pas totalement en terre étrangère. Et puis, l’avantage avec l’imbécillité, c’est qu’on peut s’y inclure. Ne serait-ce que pour dire qu’on n’y comprend rien et qu’on est un peu stupide devant la stupidité.

Les trois articles parus en 1913 et en 1949 et réunis dans ce très court volume posent admirablement le problème, mais sur le ton de la satire. Non sans lyrisme, mais avec beaucoup d’esprit, l’auteur de La vie de personne (Allia, 2009), de Gog (Attila, 2010) et surtout d’Histoire du Christ (Fallois/L’Age d’homme, 2010) qui lui valut dans les années 1920 une notoriété mondiale, expose les avantages (la paix avec soi-même) et les inconvénients (l’ignorance) de la sottise. Avec une belle lucidité, il se demande si les intelligents éprouveraient autant de volupté sans la présence nombreuse des imbéciles.

"Deux intellectuels assis vont moins loin qu’une brute qui marche", lançait Biraud à Aznavour dans Un taxi pour Tobrouk. Papini le subtil, qui s’est à un moment acoquiné avec les fadaises en politique, fait aussi le constat de l’utilité de la niaiserie pour maintenir l’humanité à flot. Il y aurait donc une sorte de darwinisme du sot. "Si les hommes de génie n’avaient pas existé, nous serions encore des barbares mais, sans les idiots, le genre humain se serait éteint depuis bien longtemps." Bien sûr, tout cela est une farce, mais ce livre provoque une vraie jubilation. Car dans le fond, à bien y réfléchir, c’est loin d’être bête. L. L.

03.06 2016

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