Grasset

Olivier Nora rend hommage à Jean-Claude Fasquelle

Olivier Nora dans son bureau en janvier 2018. - Photo Olivier Dion

Olivier Nora rend hommage à Jean-Claude Fasquelle

"Je vais solliciter [les auteurs] pour publier sous la fameuse collection "Jaune" de Grasset un livre d’hommage à Jean-Claude (Fasquelle)."

Par Livres Hebdo,
Créé le 15.03.2021 à 14h00

"Les Editions Grasset n’ont eu que quatre patrons en plus d’un siècle.

Elles viennent de perdre celui qui, incontestablement, au long des quarante-six ans de sa présence dans les murs, aura le plus fait pour le rayonnement de la Maison depuis son fondateur Bernard Grasset.

Et je viens, moi, de perdre un ami cher.

Je laisserai aux auteurs qui l’ont le mieux connu le soin de dire ce qu’ils lui doivent, puisque je vais les solliciter pour publier sous la fameuse collection "Jaune" de Grasset un livre d’hommage à Jean-Claude.

Colosse , géant, menhir, seigneur, monstre sacré, capo de tutti capi, Guépard : les images hyperboliques utilisées pour évoquer cet homme ne rendent pas tout à fait compte des contradictions fondatrices d’un être complexe qui désarçonnait d’autant plus ses interlocuteurs qu’il vivait lui-même en tension entre plusieurs facettes de sa personnalité.  

A la fois timide et intimidant, rassurant par sa force et fascinant par sa singularité, d’une courtoisie de monarque et d’une férocité de fauve, la voix douce et le geste dense, mutique et impérieux, cadenassé et libre, sévère et drôle -il avait les mots d’un « prince sans rire », hédoniste et bûcheur, aristocrate et grivois, bonhomme et matois, sensible et  indifférent, stratège obstiné et tacticien mobile…

De sorte que ce grand liseur s’était rendu illisible : la puissance dégagée par sa masse corporelle était démentie par un regard de myope indéchiffrable qui semblait s’excuser d’exister ; son silence assourdissant poussait à la faute son interlocuteur, qui se retrouvait nu sans que lui n’ait encore retiré un gant ; son horloge intérieure imposait son temps aux vicissitudes du calendrier et rien ne lui était urgent que ses propres urgences ; ses rapports intimes avec les êtres semblaient cheminer souterrainement pour jaillir soudain d’une manière inattendue, en un lieu imprévisible.

Mais quand cet homme-là vous avait fait cadeau de sa confiance et de son amitié, vous saviez que c’était pour la vie."

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