Face à la multiplication des contaminations au Covid, de nombreuses médiathèques annulent les Nuits de lecture, quatre jours d’animations en journée et en soirée dans toute la France et dans une trentaine de pays. A Sarreguemines (Moselle), « ces Nuits sont normalement ouvertes à tous, à des enfants sans masque, avec du brassage, des familles qui circulent comme elles veulent… On ne voulait pas imposer un sens de la circulation, ça casse toute la magie », justifie Audrey Pitula, qui organise le rendez-vous dans la Médiathèque communautaire. Pas question de faire ça en ligne. Les Nuits de la lecture, moment « où on voit venir de nouveaux publics », est reportée à 2023…
Moitié du budget de l’année
La médiathèque de Sablé-sur-Sarthe comptait dépenser la moitié de son budget d’animations annuel pour ces quatre dates… Mais sur un pronostic de faible fréquentation, elle a préféré annuler les festivités. « Les jauges ne nous limitaient pas trop. Nous avons plutôt craint que les publics ne veuillent pas sortir de chez eux. Le Covid est trop présent », confie Alexia Jorez, la bibliothécaire chargée de la coordination culturelle. Va-t-elle repousser les animations, comme le font d’autres médiathèques ? « Le planétarium n’est plus disponible avant cet été. Et ensuite on déménage. La programmation ne sera plus jamais la même », regrette-t-elle, découragée. Théâtre improvisé, ludothèque, ateliers créatifs, murder party… « La programmation était calée, tout était acté ! »
D’autres établissements ont eux manqué de temps pour finaliser le programme. Sur un groupe Facebook de bibliothécaires, l’une d’entre elles explique travailler en équipes décalées, donc réduire leur temps d’ouverture en semaine. « Les usagers n’auraient pas compris que l’on ouvre plus tard pour les Nuits de la lecture… »
S’adapter
Les annulations restent exceptionnelles : seules 36 bibliothèques ont annulé leur participation, soit 2% des inscrites. Ailleurs, on limite la casse. A la Réunion, les nocturnes littéraires devront se dérouler… exclusivement en journée, car les habitants sont soumis au couvre-feu à partir de 21h, au moins jusqu’au 23 janvier. Autre exemple d’adaptation obligée : les médiathèques réduisent leurs jauges, comme celle du Haut-du-Lièvre, à Nancy, où les adultes et les enfants qui devaient se produire en spectacle devront être séparés en deux groupes d'acteurs. « Sinon, ils auraient été vingt sur scène », précise Patricia Durupt, responsable de l’action culturelle des bibliothèques de Nancy. L’autre possibilité était de se délocaliser à la Maison des jeunes et de la culture (MJC). « Mais si on organise des animations, c’est pour attirer les habitants dans notre équipement, le faire connaître », exclut-t-elle.
Une activité souvent abandonnée : le buffet. A Feytiat, en Haute-Vienne, le spectacle ouvert à cinquante personnes devait être suivi d’une collation. « Mais s’il avait fallu dire qu’une seule personne sur deux reste pour la seconde partie de dégustation vin et mets… Cela aurait cassé toute convivialité », regrette Emilie-Anne Dufour, responsable de la bibliothèque de Feytiat, en Haute-Vienne.
Suspens
A J-8, la situation peut encore évoluer. A Saint-Martin-Valmeroux, commune rurale du Cantal de quelque 800 habitants, la médiathèque a prévu des lectures à voix haute dans les classes. Après un cluster dans les écoles la semaine dernière, les enfants ont été testés et sont à ce jour tous positifs, rapporte Isabelle Angot-Pers, adjointe au patrimoine. Mais elle est prête à tout annuler jusqu’à la veille de l’événement. « Etant donné qu’il s’agit d’une animation en lien avec les écoles locales, je suppose que nous serions tenus de nous soumettre au protocole de l’Education nationale. Je ne sais pas ce qu’il en est à ce jour mais il risque de changer encore dans les jours qui viennent - il change assez régulièrement ces derniers jours, d’après ce que m’ont dit des enseignants », se prépare-t-elle. Pour le moment, elle s’en tient aux règles presque routinières : pas de mélange des classes, salle spacieuse assez aérée, port du masque, lavage des mains…
Partir à la conquête de nouveaux lecteurs
Sur le site national des Nuits de la lecture, elles sont présentées comme « plus que jamais nécessaires pour partir à la conquête de nouveaux lecteurs et réaffirmer, auprès de tous, la place essentielle du livre et de la lecture dans nos vies, comme l’a souhaité le Président de la République en déclarant la lecture « grande cause nationale » ».
Le Centre national du Livre, (CNL) invite les médiathèques « à respecter les mesures gouvernementales et, pour toute question sur leur mise en place, à se rapprocher de leurs préfectures », conseille l’organisateur de cette événement habituellement phare de l’année.