Outre un premier roman noir unanimement salué en 2020, Les abattus, Noëlle Renaude est surtout l'autrice d'une multitude de pièces de théâtre. L'ombilic de son œuvre est là, comme une évidence certifiée dès les premières pages d'Une petite société. Soulignée par un sens aigu du détail explicite, élégamment décalé ou juste esthétique, sa maîtrise de la mise en scène confère au récit un ton à la fois aéré et cartésien du meilleur effet. Cartésien ? Ses personnages déjantés sont pourtant loin de l'être. Son microcosme provincial serait plutôt hanté par des individus tous plus fissurés les uns que les autres. Tom surtout, pauvre gosse, riche en fait, mais salement handicapé côté neurones, orphelin de mère, de père et du monde, ce truc qui tourne autour de lui et dont il est devenu le pivot tourmenté. De Louise, la comptable dépressive de l'usine d'en face, à Michèle, la policière alcoolique et ses incompréhensibles questions, de détectives d'opérette en tueurs à gages sans amarres, tous les acteurs et figurants tiennent Tom et sa demeure trop ample en ligne de mire. Qu'a-t-il fait de mal pour aimanter ainsi tous ces regards gratinés et mots en boucles qu'il ne décrypte pas ?
« La badine siffle » et Tom se débat sans armes dans un guignol foutraque, dans cette société petite et risible. La nôtre, peut-être ? Cela finira mal, forcément, mais sans jamais reprendre un instant le droit chemin terre à terre de la raison. Un enivrant cocktail cruel et dépeigné de drames et de pétillance.
Une petite société
Rivages
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 21,90 € ; 352 p.
ISBN: 9782743657192