Chacun de nous "a une histoire" et "vient de quelque part". Les racines de Louise Erdrich ont façonné son écriture. L’écrivaine engagée, aux origines métissées, aime s’ancrer dans sa part Ojibwé, ces Amériendiens malmenés par l’Histoire. Son nouveau roman approfondit encore cette part identitaire, qui met tant de temps à éclore. Il se situe au Dakota du Nord, au XXe siècle. Landreaux aime chasser, mais croyant viser un cerf, il tue accidentellement le petit Dusty. Un enfant qu’il connaît bien puisqu’il est le fils de son fidèle ami, Peter.
Rongé par la culpabilité, Landreaux n’a pas de mots pour réparer son geste. Alors il fait appel à une coutume ancestrale des Indiens Ojibwé : offrir son benjamin, LaRose, au couple dévasté. Ainsi, il espère réinsuffler de la vie dans leur famille brisée. Mais qu’en est-il de la sienne ? Comment sa propre femme, Emmeline, peut-elle accepter une telle décision ? Pour le petit garçon, c’est l’incompréhension. Il se retrouve brusquement au sein d’une famille envahie par le chagrin. Chacun de ses membres plonge dans l’aliénation, tant la disparition de Dusty constitue une plaie béante. Alors que la mère, Nola, sombre dans le désespoir, la fille Maggie ne sait trop quoi faire de ce frère surprise. Des liens inattendus vont néanmoins se tisser pour lutter contre le néant.
Lumineux, LaRose porte un nom de guérisseur, habituellement transmis de mère en fille. Un héritage transgénérationnel digne d’un conte, débutant en 1839. Une enfant sauvage a été recueillie par un homme a priori bienveillant, mais il n’en est rien. Devenue une jeune fille, LaRose, elle s’enfuit avec l’admirable Wolfred. Ils devront se frayer un chemin dans une Amérique désireuse de "civiliser" les Indiens. Leur amour sera plus fort que ces préjugés.
Louise Erdrich aime brouiller les frontières entre passé et présent, entre le royaume des morts et celui des vivants. Livre après livre, elle dresse le portrait d’une Amérique entachée par le génocide indien, le règne de Bush ou les répercussions du 11 septembre 2001. "Pour obtenir la vérité, je dois devenir la vérité." Ici, elle l’explore à travers le sort d’une famille, traversée par le deuil, l’amour et l’espoir. K. E.