Essai/France 10 janvier Patrick Reumaux

Dans sa chambre d'adolescent Patrick Reumaux avait en guise de posters des oiseaux empaillés et un chien aux yeux rouges qu'il n'a jamais entendu aboyer et qui lui rappelait « la futilité des petites choses ». Il fait collection d'oiseaux comme d'autres de belles images et il est le seul à entendre leurs chants après leur passage chez le taxidermiste. C'est dans cette atmosphère à la Tim Burton que l'écrivain nous invite à le suivre, dans les développements savants sur les russules émétiques et les bolets bizarres, dans des considérations subtiles sur Nietzsche ou sur Deleuze, dans des portraits de mycologues hallucinés ou dans l'évocation des membres de sa famille. « Mon grand-père, qui avait une allure simiesque, marchait la tête légèrement inclinée en avant, les bras pendant le long du corps, les doigts inclinés vers les paumes, comme pour retenir des pièces d'or imaginaires, qui se transformaient en papier timbré. »

En 1959, dans une lettre à Henri Thomas, André Dhôtel décrit le cas Reumaux. « Un de mes élèves de l'an dernier se révèle poète. La chose remarquable est qu'il n'aime vivre que dans les bois. Il connaît tous les animaux des bois, oiseaux, martre, putois, les oiseaux de proie, et même les milans... » La grand-mère maternelle du jeune Patrick « qui avait des yeux verts cruels et la bonne odeur de panthère » fait illico le siège du bureau d'Albert Camus chez Gallimard pour faire publier les poèmes de son petit-fils. Plusieurs livres paraîtront chez Gallimard dans les années soixante, dans la collection « Le Chemin » dirigée par Georges Lambrichs, avant que Patrick Reumaux ne s'investisse dans la traduction des grands auteurs anglo-saxons comme Updike, Steinbeck, Powys ou Dickinson, puis ne s'engage dans la passion pour la mycologie.

Avec les curieux bonshommes crachés de Noël Tuot qui illustrent l'ouvrage, cela nous donne ce récit avec des oiseaux morts, une chauve-souris les ailes en croix, des sous-bois humides, des serpents, des papillons surtout de nuit, un cendrier, une machine à écrire et des champignons à foison. Voilà comment il décrit le bolet de Satan. « Un chapeau pâle, mal lavé, des pores rouges, une chair bleuissant à peine à la coupure, une odeur de chlore et un pied énorme, analogue aux bas résille des danseuses de french cancan. »

Patrick Reumaux est un naturopathe. Il se soigne à la nature. Mais qu'elle est sa maladie ? Elle reste non identifiée tout comme sa quête de l'ombre. Cueilleur, de champignons, de fleurs, c'est sûr ! Chasseur évidemment, il a la chevrotine facile, les passereaux s'en souviennent. Écolo ? Sûrement, à sa manière, car il connaît le nom de toutes les espèces et en latin. Il rêve même quelque part de remplacer la culture par la nature tout en restant cultivé de cette nature. Alors, essai, mémoires, poésie ? On ne saurait classer ses « petites choses » qui cachent de grandes blessures. « Ma mère m'a tellement battu que j'ai ressuscité. » La seule certitude est que nous sommes bien en littérature.

Patrick Reumaux
L'artiste en petites chose
Les Belles Lettres
Tirage: 1 500 ex.
Prix: 20 euros ; 248 p.
ISBN: 9782252044766

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