SLPJ 2024

À Montreuil, une déambulation professionnelle autour de la fiction ado

A Montreuil, Bruno Doucey a reçu les participants au parcours professionnel "Fiction ado" - Photo Olivier Dion

À Montreuil, une déambulation professionnelle autour de la fiction ado

À l’initiative du Syndicat national de l’édition, sept parcours professionnels à destination des bibliothécaires, documentalistes et libraires se sont tenus lundi 2 décembre au Salon de Montreuil. Livres Hebdo a suivi le parcours consacré à la fiction pour les ados. Reportage.

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Par Élodie Carreira à Montreuil,
Créé le 02.12.2024 à 19h07

Dernière ligne droite, et non des moindres. Après un week-end 100 % famille, les professionnels du livre se sont levés de bon matin, lundi 2 décembre, pour pousser une dernière fois les portes du Salon du livre et de la presse jeunesse (SLPJ) à Montreuil. Et pour cause : ce lundi, c’est le leur. « C’est la journée parlotte !, nous glisse avec humour Marianne Zuzula, cofondatrice et directrice éditoriale de la maison La Ville Brûle. On est entre professionnels, plus au calme et surtout, c’est l’occasion d’échanger directement avec ceux qui mettent nos livres dans les mains du public ».

Pour multiplier ces mises en relation, le Syndicat national de l’édition (SNE) a, cette année, imaginé sept parcours thématiques. Pendant une heure et demie, un référent professionnel emmène bibliothécaires, libraires et documentalistes à la rencontre d’une poignée d’éditeurs pour découvrir leurs catalogues. « Après le Covid, nos échanges ont perdu en vigueur. C’est pourquoi nous avons voulu renouer le contact avec les professionnels du livre », explique Cécile Térouanne, directrice générale de Hachette Romans et coprésidente du groupe jeunesse du SNE. 

Quelles tendances dans les récits pour adolescents ?

Flanquée d’une affiche sur laquelle on peut lire « Parcours professionnel : la fiction ado, genres et tendances », l’éditrice tente de trouver les membres de son groupe au milieu d’une foule concentrée au Forum interprofessionnel et international. « Est-ce qu’il vous reste une petite place pour le parcours ? », demande une bibliothécaire de l’institut français du Danemark. Entre désistements et engouement de dernière minute, Cécile Térouanne n’est plus à une recrue près. Composée d’une dizaine de professionnelles, la joyeuse troupe fait un premier arrêt sur le stand des éditions Scrinéo, au 2ᵉ étage du Salon. « Aujourd’hui, nous développons quatre grands segments en direction des jeunes ados : la mythologie, l’histoire, la littérature contemporaine et l’imaginaire », fait savoir le fondateur de la maison, Jean-Paul Arif.

Jean-P Arif/Scrineo
Jean-Paul Arif, fondateur et éditeur de Scrineo, présente les axes de développement de la fiction ado dans son catalogue.- Photo EC

Du côté de « Mythologie », collection qui « balaye tous les âges » en s’intéressant aux monstres et aux « grandes oubliées de l’histoire », l’éditeur cite notamment Moi, Pénélope, reine d’Ithaque de Sylvie Baussier ou encore Toi, Thésée contre le Minotaure, titre imaginé sur le mode d’une « histoire dont vous êtes le héros » et dans lequel figurent des énigmes et des jeux. Plus tard dans l’Histoire avec un grand H, les pré-adolescents peuvent découvrir la Seconde Guerre mondiale avec L’enfant d’Oradour (2019), l’après-guerre avec La folie des papillons ou encore la guerre d’Algérie grâce à La rescapée de Sophie Doudet, paru en octobre 2024.

Dans sa collection « Engagé », la maison aborde des thématiques plus sociétales telles que le féminisme (Féminine de Louison Nielman), le harcèlement (La Guerre des Youtubeurs d’Arthur Ténor) ou la liberté d’expression (Extrême de Michaël Espinosa), avec une réflexion « à hauteur de collégiens ». Enfin, pour une escapade totale, l’éditeur introduit l’univers de Manoir de CastleCatz, où le duo magie-chat fait des étincelles, ou encore celui du Serment d’Eldenaï. « Même lorsque nos livres sont distrayants, ils amènent le jeune lecteur à réfléchir », conclut Jean-Paul Arif.

Vers de nouvelles médiations

La déambulation se poursuit quelques encablures plus loin. Sous l’étiquette « le grand marché de l’édition indépendante », Bruno Doucey, patron des éditions du même nom, propose un virage à 360 degrés avec un catalogue entièrement dédié à la poésie. « Évidemment, on publie de la poésie contemporaine et des poètes du monde entier, mais notre spécificité, c’est de proposer de la poésie dans toutes les langues », expose l’éditeur.

Ici les couvertures sont minimalistes et épurées car l’émotion se joue ailleurs. Si la maison bénéficie d’une belle reconnaissance depuis qu’Hélène Dorion, autrice de Mes forêts, a été choisie au programme du baccalauréat de français, elle s’illustre également en jeunesse avec des titres comme Le tournesol est la fleur du Rom, dans la collection « Poés’ histoires ».

Bruno Doucey/Montreuil
A Montreuil, Bruno Doucey présente sa collection de poésie pour les adolescents.- Photo OLIVIER DION

Une grande nouvelle pour certaines bibliothécaires du groupe, à l’instar de Catherine Honneur, venue de la Bibliothèque des Côtes-d'Armor : « Il peut nous arriver de passer à côté de certaines choses. Le Salon de Montreuil et ce parcours de rencontres peuvent justement remédier à ça. J’ignorais, par exemple, que Bruno Doucey avait une collection de poésie pour les ados. Ça me permet d’imaginer des choses comme une médiation adossée au Printemps des poètes ».

Le succès de la littérature de genre

Troisième relais, Manon Sautreau, responsable éditoriale de Poulpe Fictions et Slalom (Edi8), gratifie le groupe de grands sourires. « En 2019, le catalogue de Slalom a connu un virage éditorial avec une ligne bien plus dédiée à l’adolescence », raconte-t-elle, expliquant la cohabitation, au sein de la maison, d’un segment « contemporain et engagé » avec une autre branche tournée vers la littérature de genre.

Côté littérature contemporaine, l’éditrice cite, entre autres, la romance LGBT+ de Kacen Callender, Felix ever after, ou encore Trois fois elle d’Anne Loyer sur « la question, sur trois générations différentes, d’avoir un enfant ou non ». Concernant les genres fantastique, fantasy ou romantasy, le titre de Maiwenn Alix, Noblesse oblige, divise l’audience : « On l’a beaucoup discuté en bibliothèque, fait savoir Catherine Honneur, de la Bibliothèque des Côtes-d'Armor. On s’est demandé à partir de quel âge un lecteur peut lire cet ouvrage, notamment à cause de scènes parfois violentes ou de l’image de la femme ».

Souvent débattue au sein de l’interprofession à cause de certaines scènes explicites, la place des littératures de genre, à l’instar de la romance, se pose bien moins chez Bayard Jeunesse. « Nous souhaitons nous adresser à un large public avec la volonté d’accompagner les jeunes lecteurs jusque dans leur passage à l’âge adulte, en leur donnant confiance en eux et confiance dans le monde qui les entoure », déclarent Hélène Pasquet, directrice éditoriale de la fiction et Cécile Burgard, directrice littéraire de la fiction jeunesse étrangère.

Accrocher le jeune lecteur par tous les moyens

Sans renoncer à une tendance très prisée par les jeunes, la maison préfère miser sur la fantasy avec le phénomène Twin crowns de Catherine Doyle et Katherine Webber ou développer l’après « Chair de poule » avec des thrillers tels que La variante du dragon, l’horrifique Agatha ou le féministe Neuvième sur la liste. Des titres « aux rythmes sans temps mort, qui accrochent le lecteur tout en ayant des résonances sociales et sociétales », commentent les éditrices.

Bayard/Montreuil
Hélène Pasquet et Cécile Burgard (Bayard Editions) font valoir leurs thrillers- Photo EC

Au milieu de ses sagas à succès dont La carte des confins de Marie Reppelin, Ilos de Marion Brunet, ou encore Neo de Michel Bussi, la maison Pocket Jeunesse – représentée par sa directrice, Natacha Derevitsky et Xavier d’Almeida, directeur de collection – met en avant ses phénomènes planétaires comme Inheritance Games ou encore Hunger Games, « dont un préquel axé sur le personnage d’Haymitch paraîtra en mars », annoncent les éditeurs en exclusivité.

Des adaptations sur grand écran

« Quid des jeunes lecteurs éloignés de la lecture, qui fuient devant ces imposants tomes de 300 pages ? », s’interroge Léa Gildhodez, bibliothécaire venue de Sète, dans le sud de la France. Il semblerait que Cécile Térouanne ait la solution. Outre les tendances similaires que celles observées plus tôt chez ses concurrents, la maison Hachette peut se targuer de détenir Le Livre de poche jeunesse, partenaire privilégié des éditeurs de grand format depuis 45 ans.

Cécile térouanne/Montreuil
Pour ce parcours professionnel, Cécile Térouanne a endossé sa double casquette de co-présidente du bureau jeunesse du SNE et directrice chez Hachette Romans.- Photo EC

L’éditeur s’est aussi bien emparé des phénomènes TikTok, à l’instar de Ashes falling for the sky (Albin Michel, 2018), que des classiques patrimoniaux revisités par la maison avec « des versions abrégées et respectueuses du texte original », comme Frankenstein, Dracula ou Le rouge et le noir. Tandis que Hachette Romans a su s’illustrer avec des succès audiovisuels (À contre-sens de Mercedes Ron, Fabricant de larmes d’Erin Doom), ou des romans graphiques, dont Heartstopper d’Alice Oseman, lui aussi boosté par son adaptation en série télévisée sur Netflix.

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