avant-portrait

Ooh Lordy, troubles so hard…" ("Seigneur ! Que de gros en-nuis…"), tout le monde a en tête l’air de negro spiritual samplé sur la chanson "Natural blues" de Moby, l’un de ses tubes sorti en 1999. Le DJ new-yorkais, grand prêtre de l’électro, avait fait danser avec Go les fidèles des rave-parties une décennie auparavant. Après un premier album qui portait tout simplement son nom, d’autres suivirent sans le succès escompté. "Avant que Play soit signé je croyais vraiment que j’allais jeter l’éponge." Et là, revers du destin… Un hit planétaire, certains des titres de l’album font un tabac, la chanson susmentionnée et aussi "Porcelain", éponyme de son livre à paraître en sortie mondiale début juin. Une carrière en dents de scie, de la misère à la célébrité en passant par des abîmes d’angoisses, des cimes de la gloire aux platines et aux hit-parades à la déréliction de l’abus d’alcool et de drogue, à la sérénité du marcheur végétalien et abstème.

Porcelain livre un véritable "portrait de l’artiste en jeune homme" et en quête d’absolu, un "enthousiasme walt-whitmanesque", explique le quinquagénaire aujourd’hui bien dans ses baskets. "Je n’ai jamais voulu faire carrière dans la musique, sauf que lorsque j’ai découvert la musique je voulais ne vivre que pour elle, passer ma vie à écouter des disques et à en faire." On lui avait offert une guitare à l’âge de 10 ans, c’est le classique auquel il s’était destiné. 1979, The Clash, le groupe punk anglais, c’est le chemin de Damas. L’épiphanie et la conversion au rock et au DJ-ing… Moby est à fond, il l’a toujours été. Dans sa période chrétienne il priait après avoir fait l’amour, dans son combat pour le droit des animaux, Moby est un vegan militant. Quant à l’alcool, le disciple de Bacchus est carrément devenu "alcoolique anonyme".

Dans la montagne

Si New York est une ville géniale pour se soûler, elle l’est un peu moins pour boire de l’eau. Ce fils de mère célibataire (le père meurt quand il a 2 ans) white trash (milieu prolétaire blanc) avait toujours voulu échapper à l’ennui périurbain où il a grandi et retourner à New York où il est né. Jamais il n’aurait cru qu’un jour il partirait s’installer à Los Angeles. Pas le choix, fini le Concrete (le cocktail serbe bière-vodka), zéro alcool, sport : "Depuis que j’y suis, je vais marcher dans la montagne tous les jours." Aujourd’hui rasséréné, Moby n’a pas abandonné l’entrain prosélyte d’antan. Ses Mémoires ne sont pas pour lui un simple puits d’anecdotes de galère scabreuses. Elles ont à voir avec "cette profonde aspiration de tous les humains au partage", que permettent "ces molécules d’air qui se déplacent dans l’espace" - la musique -, ces signes qui courent sur la page - les mots. Sean J. Rose

Moby, Porcelain, Seuil, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Cécile Dutheil de La Rochère. Prix : 22 €, 368 p. Sortie : 2 juin. ISBN : 978-2-02-130431-2

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