À une petite heure au sud de Paris, en plein cœur de l'Essonne (91), un site de 40 000 m2 s'active 24 heures sur 24 et six jours sur sept depuis près de deux ans maintenant. Fin novembre, cette organisation a permis à MDS d'assurer l'office hors-norme du très attendu 22e album de Gaston Lagaffe Le retour de Lagaffe (Dupuis) tiré à 800 000 exemplaires pour une mise en place de 600 000. Difficile d'imaginer pareil succès deux ans auparavant.
À Dourdan, le site de la filiale de distribution du groupe Média-Participations, construit en 2001, a connu une révolution ces dernières années, avec une augmentation de près de 70 % de son activité entre 2019 et 2022. L'intégration de nombreuses maisons d'édition acquises par le groupe Média-Participations et de la distribution du groupe Auzou, corrélée à un boom des ventes de BD et mangas dans la même période, a entraîné fin 2021 de nombreux retards sur les commandes auprès des libraires. De l'histoire ancienne dorénavant. « À l'époque, nous n'avions pas les capacités d'absorber cette surcroissance de près de 25 % par rapport à ce qu'on avait estimé, cela représente des millions d'exemplaires à préparer », rappelle Olivier Barbé, le directeur général de MDS. Soulagé, l'ancien directeur du site « Benelux » de distribution du groupe, en Belgique, n'a pas pour autant terminé la modernisation de son outil. « Depuis le début de la mécanisation au sein de MDS, en 2010, on intègre une nouvelle technologie tous les deux à trois ans », explique-t-il. Étant limité par la surface au sol, le groupe a dernièrement investi dans des robots afin d'exploiter au maximum les volumes de ses deux sites franciliens, à Dourdan et Ballainvilliers : 75 % des flux sont dorénavant gérés par des machines, qui portent des colis de 15 à 20 kg sur de grandes hauteurs. Au-delà d'avoir rendu plus attractifs les métiers « en tension » de la distribution en facilitant l'effort physique des salariés, cette modernisation a accompagné la transition énergétique du groupe en permettant la récupération des calories pour le chauffage des entrepôts. À Dourdan, une nouvelle extension de 6 000 m2 prévoit également l'installation de panneaux photovoltaïques. « Cette extension va nous permettre de diminuer notre surstock extérieur, de freiner l'augmentation de la facture d'électricité et de réduire l'empreinte carbone avec l'installation photovoltaïque », précise Olivier Barbé. L'objectif aujourd'hui pour la société qui revendique 70 millions d'exemplaires de 60 000 références en stock est d'accroître la productivité avec un même socle de clients qu'ils évaluent à 10 000, et qui n'a pas vocation à évoluer prochainement. « Nous sommes dans une logique d'amélioration continue afin de regagner toutes les marges qu'on a perdues avec l'effet post-Covid », confie-t-il. Et cela passe par l'amélioration de la qualité des services. « Nous souhaitons moderniser notre parcours client qui doit passer par un cap technologique pour produire des réponses pertinentes plus rapidement, tout en industrialisant l'analyse des demandes de libraires », fait part le dirigeant qui s'intéresse bien évidemment à l'intelligence artificielle pour ce faire (voir encadré). Selon lui, la technologie et les nouvelles compétences nécessaires pour la maîtriser pourraient transformer beaucoup de choses dans les métiers de la distribution, sans pour autant toucher à l'essentiel : « Mettre des ouvrages dans quelque chose pour les emmener quelque part. »
Les BLDD montent à l'échelle humaine
Les Belles Lettres Diffusion Distribution constitue un modèle vertueux à l'heure des réflexions écologiques dans le marché de l'édition. Associées à une librairie ainsi qu'à une maison d'édition, les BLDD ont une vue d'ensemble sur la chaîne du livre et œuvrent à échelle humaine. De taille relativement moyenne, avec 16 salariés et 8 000 m2 d'espace de stockage dans leurs entrepôts (situés dans l'Eure, à Gaillon), les BLDD comptent aussi 7 représentants qui, eux, œuvrent depuis le Kremlin-Bicêtre.
La maison n'entend pas céder au dogme du moment de rejoindre les logiques industrielles de masse, et d'accélérer et de développer plus encore les processus de commandes et de retours. Elle est l'une des rares entreprises de diffusion, par exemple, à imposer aux libraires de laisser vivre leurs titres pendant au moins 3 mois sur leurs tables - alors que cette règle était une norme il y a encore 20 ans. Si la distribution est un métier de logistique, elle ne saurait se réduire à des algorithmes. Le renouvellement du système informatique en cours chez BLDD ne va donc pas sans la mise à disponibilité manuelle d'espaces sans cesse pensés pour un meilleur stockage des quelque 30 000 références actives dans les entrepôts. Dernièrement, dans l'espace « picking », des bacs de stockage ont été réalisés pour être adaptés au nombre d'exemplaires de chaque référence. Ainsi cette réorganisation a-t-elle permis de gagner un espace considérable, et d'accueillir de nouveaux titres dans l'espace picking. L'exigence de la maison est de tenir cet équilibre selon l'espace disponible mais aussi selon une certaine vision de la chaîne du livre, ce qui suppose parfois de refuser l'entrée à de nouvelles maisons. Les BLDD comptent quelque 200 éditeurs indépendants qu'ils diffusent et distribuent parmi lesquels Rackham, La Fabrique, L'Association, ou encore Çà et Là, et dont ils défendent le travail auprès des libraires dans une même logique d'indépendance et dans la volonté commune d'une économie mieux maîtrisée. Marie Fouquet