« J'étais celui qui devait bâtir un royaume de papier, élever un empire de vers », soupire William Butler Yeats. Mais pour l'instant, ce sont les vers de terre qui se disputent sa fin. Cet immense poète, écrivain et dramaturge irlandais s'éteint en 1939 en France. En raison de la guerre, il est impossible de le rapatrier vers sa terre natale. Urgence oblige, on l'enterre au cimetière de Roquebrune-Cap-Martin. Un coin perdu, où Yeats, prix Nobel de littérature en 1923, ne repose que provisoirement, avant de retrouver son Irlande adorée une décennie plus tard. Du moins, dans la version officielle... Elle est brusquement remise en cause, lorsqu'un document atteste qu'il ne s'agit pas vraiment de ses restes.
Madeleine se sent remuée en entendant cette histoire. « Non les morts n'appartiennent pas à tout le monde. Le corps des morts doit être laissé intact, respecté avec la même dignité que celui des vivants. » N'empêche qu'elle enquête sur ce mystère affirmant que Yeats n'aurait jamais quitté sa fosse commune française. Cultivant l'art des voix à la radio, Maylis Besserie en redonne une au principal concerné, afin qu'il puisse nous confier ses états d'âme. « J'étais Willie le fantôme. Qui donc remue mes cendres ? Mes restes de poète mal ensevelis, ma poussière. » À travers lui et d'autres témoins, on revient sur son histoire d'amour avec l'étonnante Maud, son attachement à l'Irlande ou à l'écriture poétique. Quelles traces laissent les morts en nous ? Après son Goncourt du premier roman (Le tiers temps) sur Beckett, l'auteure retrace un autre destin littéraire inoubliable.
Les amours dispersées
Gallimard
Tirage: 6 000 ex.
Prix: 18 € ; 192 p.
ISBN: 9782072939143