Sumana Roy est une intellectuelle. Son récit est nourri de nombreuses références littéraires. Universitaire, elle a consacré sa thèse à son compatriote bengali l'écrivain Amit Chaudhuri, également musicien et chanteur. Saluée par la revue Granta comme l'une des figures de la nouvelle génération des écrivains indiens, elle vit à Siliguri, une petite ville du Bengale sur les contreforts glacials de l'Himalaya. Tout ceci se retrouve dans ce premier livre, fort singulier, Comment je suis devenue arbre, paru en 2017. Depuis, elle a aussi publié un roman, Missing.
Fille d'une mère qui a grandi à Santiniketan, là où Rabindranath Tagore, l'écrivain emblématique de l'Inde, prix Nobel de littérature 1913, avait transformé l'une des demeures de sa famille en université, Sumana Roy se dépeint comme une rebelle, très tôt révoltée par la marche du monde, et l'ordre social établi. Son premier acte d'insoumission remonte à l'adolescence, raconte-t-elle, lorsqu'elle se vit contrainte de porter des sous-vêtements. Elle n'en voyait pas la nécessité, préférant de loin sa liberté d'avant, pareille à celle des arbres. Qui aurait l'idée d'affubler le papayer, qu'elle contemple de sa chambre tout en écrivant, d'une culotte ou d'un soutien-gorge ? A partir de là, elle va non point se prendre de passion pour les arbres, les chérir, leur parler, ce qui serait banal et se fait désormais un peu partout, mais se sentir arbre, avoir envie d'en devenir un. Chose difficile à comprendre, sauf en Inde, où le panthéisme est l'une des composantes majeures de l'âme et de la religion. Dans ce pays, tout peut être sacré, même de l'herbe.
Sumana Roy va, d'une certaine façon, se couper du monde matériel, pour se rapprocher du naturel. Elle cesse de regarder la télé, de lire les journaux, se met à planter des arbres, à vivre à leur heure, dans leur temps. Et à se passionner pour les jardins. Comme Tagore qui aimait passionnément le sien, entretenu par son seul fils Rathindranath. Le poète, notamment, se plaisait à inventer des noms pour ses fleurs, qui faisaient sa joie. Sumana, elle, ne va pas jusque-là, elle préfère les végétaux simples, modestes. Et son papayer. Au point d'imaginer un jour se réincarner en lui. Avec l'hindouisme, tout est possible.
Comment je suis devenue un arbre - Traduit de l'anglais (Inde) par Alexandra Maillard
Hoëbeke
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 22 euros ; 288 p.
ISBN: 9782842307424