Quand une petite nouvelle confidentielle devient, par la force des mouvements électoraux, un long-seller qui continue de s'écouler périodiquement à des dizaines de milliers d'exemplaires vingt-deux ans après sa publication. Voilà comment peut être résumé le parcours éditorial de Matin brun, court apologue de 11 pages signé par l'auteur de polar Franck Pavloff. Il y imagine un pays fictif régit par l'État brun, instance dictatoriale qui commence par interdire la possession de chats et de chiens non bruns. Une mise en garde puissante contre la pensée unique et les extrémismes. Coup d'accélérateur formidable pour Cheyne éditeur, micro-maison de Haute-Loire qui avait publié le court récit en 1998 : la qualification surprise de Jean-Marie Le Pen pour le second tour de l'élection présidentielle de 2002. Au matin du 22 avril, Jean-François Manier, fondateur de la maison, a une intuition et envoie quelques services de presse. Le 2 mai, une chronique matinale sur France Inter encense la nouvelle. Quelques minutes après, les premières commandes arrivent chez l'éditeur artisanal du Chambon-sur-Lignon, qui imprime lui-même ses livres. En deux mois, l'ouvrage se vend à 200 000 exemplaires. En moins d'un an, la barre des 500 000 est franchie. Ses ventes se sont depuis stabilisées à environ 60 000 exemplaires chaque année. À chaque haut score de l'extrême droite lors d'élections, à chaque rentrée scolaire et même lors des attentats du 13 novembre 2015, ses ventes s'accélèrent et le petit livre brun réapparaît dans les meilleures ventes. En mars 2020, la nouvelle de Franck Pavloff a fêté son deux-millionième exemplaire vendu avec une nouvelle édition spéciale. Un joli score pour une maison d'édition dont le précédent record de vente était de... 8 000 exemplaires.