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Mathieu Quet, « Flux » (Zones) : Méditations logistiques

Mathieu Quet - Photo © Marine Al Dahdah

Mathieu Quet, « Flux » (Zones) : Méditations logistiques

Mathieu Quet montre comment l'obsession organisationnelle, révélatrice de la logique capitaliste de la concurrence débridée, influe sur notre vision du monde. Tirage à 3000 exemplaires.

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Par Sean Rose
Créé le 23.12.2021 à 18h23

La technique, qui vient du mot technè en grec, signifie aussi bien l'art que la manière, c'est-à-dire les moyens de production. Passé dans la plupart des langues occidentales, le vocable s'est réduit à la notion d'industrieuse réalisation. Mais les moyens techniques n'ont pas été dans l'histoire de l'humanité, voire dans l'histoire de l'art, sans conséquence sur le processif créatif, ils ont influé sur les arts qu'ils ont été censés servir. La peinture en tube, par exemple, en permettant aux peintres d'aller peindre en pleine nature et, partant, de bouleverser la façon de figurer la lumière et les couleurs d'un paysage : cette révolution picturale s'est appelée impressionnisme. De même, une technique destinée à un usage particulier a pu s'étendre à une sphère plus vaste. Ainsi de l'Internet qui au départ a été développé pour le domaine militaire.

Dans Flux, Mathieu Quet, poursuivant ses recherches dans la socio-anthropologie de la technique et des sciences, montre comment la pensée logistique a contaminé notre vision du monde. L'auteur rappelle ce qu'est la logistique : un « art du transport et de la circulation, qui consiste depuis d'antiques guerres à acheminer des vivres, des armes, des bêtes, des hommes, d'un point à un autre, sans perdre de vue ce qui compte : gagner ». Si cette victoire est à l'origine envisagée du seul point de vue martial, elle revêt aujourd'hui un sens également pacifique, la logistique embrassant tous les aspects de la société. Gagner signifie ici gagner du temps. Et le temps, c'est de l'argent. Plus que jamais, dans un système capitaliste globalisé : « Cette nouvelle logistique n'a pas tardé à frayer avec le monde du business. » Des ponts entre l'universitéet l'industrie sont jetés dès les années 1960.

L'obsession organisationnelle qui sous-tend la pensée logistique trahit en vérité la logique d'un marché livré à une concurrence à tous crins. Car la mondialisation, qui s'appuie sur le fait que tout (marchandises, devises, personnes...) circule partout, considère que le monde n'est qu'affaire de fluidité et de flux qu'on se doit d'optimiser. L'optimisation se décline à son tour en « logistique du vivant », « logistique affective », « logistique monétaire », etc. Mais si le management de la circulation des choses entend redessiner les contours du réel, le réel est là qui résiste à l'absurdité du tout logistique, comme ces porte-conteneurs trop gros qui bouchent le canal de Suez. Et l'auteur de conclure en soulignant que nous serons toujours « des substances illicites » : nos corps sont réfractaires à la règle. Fini le « circulez il n'y a rien à voir », reprenons le contrôle du flux de nos vies. L'« altermobilité » est possible.

Mathieu Quet
Flux
Zones
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 16 € ; 160 p.
ISBN: 9782355221774

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