Enseignant à l'université de Marne-la-Vallée, concepteur de jeux et de solutions ludiques pour les entreprises, Mathieu Blayo livre son éclairage sur le recours au jeu dans l'apprentissage.

Livres Hebdo : Comment construit-on un jeu sérieux ?

Mathieu Blayo : Je pars toujours de la problématique du client, qui est au cœur de la démarche, et je détermine le système de jeu qui pourra le mieux y répondre. J'ai de plus en plus de demandes de la part des entreprises. Les patrons ne se disent plus que faire jouer leurs salariés est une perte de temps. Cependant, même si je trouve que c'est un outil formidable, il ne faut pas faire du jeu pour le jeu, mais seulement si c'est le bon moyen de faire passer un message. Je préfère d'ailleurs parler d'outil ludique de formation, qui n'est pas du jeu. Le jeu est une activité volontaire, non productive, alors que la formation ludique a pour objectif principal est de faire passer un message pédagogique.

Livres Hebdo : Quels sont les avantages de recourir au jeu dans un processus d'apprentissage ?

Mathieu Blayo : Dans le jeu, les personnes mobilisent beaucoup de concentration et d'énergie. Les éléments d'une formation faite par le jeu sont mieux intégrés par le cerveau. La formation ludique apporte plus qu'un apprentissage, elle apporte la compréhension de l'intérieur d'une problématique.

Livres Hebdo : Cette méthode ne -suscite-t-elle pas des réticences chez certains participants ?

Mathieu Blayo : Oui, dans les -entreprises, certains salariés restent parfois en dehors du jeu. Cela -s'appelle l'effet de résistance. S'il se produit, cela veut dire généralement que le jeu est mal fait et n'a pas réussi à donner envie. Quand on joue, on risque de se trouver en échec. C'est pour cela que des salariés n'ont pas envie de jouer avec leurs collègues, ou des parents avec leurs enfants, par peur de perdre devant eux.

Livres Hebdo : Le jeu a envahi tous les domaines de la société. Comment expliquer ce phénomène ?

Mathieu Blayo : Cela correspond à l'explosion de l'industrie du loisir. Il y a, par exemple, plus de 1 000 salles d'escape game en France aujourd'hui. Les gens veulent être acteurs d'une expérience qui leur apportera une émotion et sont prêts à dépenser 100 euros de l'heure pour ça. C'est intéressant de voir comment les codes du jeu sont appliqués à diverses activités. Par exemple, dans certains bars, les gens votent pour un groupe de -musique en choisissant le cendrier dans lequel ils jettent leur mégot de cigarette. On peut cependant trouver dommage de devoir recourir au jeu pour que les gens ramassent leurs déchets. Par ailleurs, il faut faire attention à l'utilisation abusive du mont ludique. Je vois souvent des entreprises qualifier d'interactifs et ludiques des produits qui sont sûrement interactifs mais en rien ludiques dans la mesure où il n'y a ni jeu, ni règles.

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