L'adolescence est souvent résumée aux boutons d'acné, aux premiers flirts ou aux bandes d'amis. Chez Maryam Madjidi, il s'agit plutôt d'une métamorphose kafkaïenne, qui passe par la famille, l'école ou la découverte de la vie. Si Proust y voit un « âge nullement ingrat, très fécond », c'est parce qu'il est riche en expériences et réflexions. Ce roman en est la preuve, puisqu'il ravive cet « âge où tout est promesse d'avenir » ou d'impasse. L'auteure plonge dans ses souvenirs, pour en extraire le suc qui lui a permis de devenir elle-même. Un parcours du combattant, à la fois singulier et universel. L'ado, qui se confie ici, y ajoute son grain de sel en adoptant un ton drolatique. « J'avais 13 ans et je voulais ressembler à Brenda dans la série Beverly Hills. Je ne voulais pas de cette chevelure de métèque qui trahissait mes origines lointaines. » C'est raté, mais comment s'accepter, voire s'aimer ? Truffé de personnages savoureux, son entourage lui fait honte. Alors que ces exilés cultivent leurs racines, la narratrice vise à être une « petite stalinienne de l'intégration française ». Autre souci : la géographie. Plus qu'un décor, Drancy ressemble à un lieu endormi, dans lequel il semble difficile d'éclore, tant les inégalités sociales y sont flagrantes. Bien que cette ville du 93 rime avec un passé terrible, seul compte le présent pour les adolescents inconscients. « Il ne se passe rien ici. Tu es une ville qui s'excuse d'exister. » Sous le règne de l'ennui, l'esprit se développe en se nourrissant de littérature, de radio et d'imaginaire. Paris devient ainsi la capitale d'une liberté à inventer. Miss « Rastignac » a la niaque ! Elle multiplie les looks, tout en se heurtant aux affres de l'adolescence féminine, que Madjidi décrit comme personne. Goncourt du premier roman, Marx et la poupée explorait déjà le thème de l'identité. « J'étais à la fois française et iranienne. Cet entre-deux, cet état flottant et indéterminé me rendait dingue. J'avais 16 ans et il fallait trancher » ou pas. Petit à petit, son héroïne grandit avec humour et amour, en transformant ses contradictions en joie de vivre. Cette « Robine des bois de la scolarité » ne cesse de s'élever grâce à la magie d'une plume colorée, traduisant sa musique initiatique.
Pour que je m’aime encore
Le Nouvel Attila
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 17 € ; 216 p.
ISBN: 978-2-37100-110-7