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Margaret Atwood et Catherine Deneuve toujours critiques à l'égard du mouvement #MeToo

Margaret Atwood et Catherine Deneuve - Photo DR / Martin J. Kraft/CC BY-SA 3.0

Margaret Atwood et Catherine Deneuve toujours critiques à l'égard du mouvement #MeToo

Dans une tribune très controversée parue samedi dans un journal canadien, Margaret Atwood a dû se défendre pour expliquer pourquoi elle critiquait #MeToo, rejoignant ainsi le courrier de Catherine Deneuve, publié aujourd'hui dans Libération. Les deux femmes s'inquiètent d'une justice populaire, expéditive et virtuelle.

Par Vincy Thomas,
avec afp Créé le 15.01.2018 à 14h00

La romancière canadienne Margaret Atwood a passé son dimanche à expliquer les raisons d'une chronique où elle argumentait que le mouvement #Metoo n'est que le reflet d'une justice qui ne fonctionne pas. Malmenée ou incomprise pour son manque d'empathie avec les femmes victimes d'inconduites sexuelles, elle a dû se justifier plusieurs fois. 

"Le mouvement #Metoo est le symptôme d'un système judiciaire cassé", a-t-elle écrit dans une tribune titrée "Suis-je une mauvaise féministe" publiée dans le quotidien torontois Globe and Mail samedi. "Trop souvent, les femmes et les autres victimes d'abus sexuels faute d'obtenir une audience juste des institutions, y compris les entreprises, utilisent un nouvel outil: Internet", poursuit la romancière, elle-même adepte de Twitter. 

Les femmes sont des êtres humains

Dans sa tribune, elle interpellait les lecteurs en demandant qu'est-ce qu'une "bonne féministe". "Ma position fondamentale est que les femmes sont des êtres humains, avec tout le spectre des comportements saints et démoniaques que cela implique, y compris les comportements criminels. Ce ne sont pas des anges, incapables de mal faire. Si c'était le cas, nous n'aurions pas besoin d'un système légal" explique-t-elle.

En référence aux actrices qui ont dénoncé les agressions du producteur déchu Harvey Weinstein, la romancière canadienne de 78 ans parle d'"étoiles tombées du ciel", sonnant comme un sérieux rappel à l'ordre. "Mais après?", s'interroge Mme Atwood. Les institutions, les entreprises et les lieux de travail doivent faire le ménage ou "on peut s'attendre à ce qu'encore plus d'étoiles tombent et aussi pas mal d'astéroïdes".

 

Dans un courrier publié par Libération ce jour, Catherine Deneuve, signataire d'une tribune controversée la semaine dernière revendiquant la liberté d'être importunée, ne dit pas autre chose: "Je crois donc que la solution viendra de l’éducation de nos garçons comme de nos filles. Mais aussi éventuellement de protocoles dans les entreprises, qui induisent que s’il y a harcèlement, des poursuites soient immédiatement engagées. Je crois en la justice."

Justice expéditive, populaire et virtuelle

L'actrice française critique d'ailleurs la justice virtuelle: "Je n’aime pas cette caractéristique de notre époque où chacun se sent le droit de juger, d’arbitrer, de condamner. Une époque où de simples dénonciations sur réseaux sociaux engendrent punition, démission, et parfois et souvent lynchage médiatique. Un acteur peut être effacé numériquement d’un film, le directeur d’une grande institution new-yorkaise peut être amené à démissionner pour des mains aux fesses mises il y a trente ans sans autre forme de procès. Je n’excuse rien. Je ne tranche pas sur la culpabilité de ces hommes car je ne suis pas qualifiée pour. Et peu le sont."

Margaret Atwood argumente en se référant à l'Histoire pour dénoncer les risques d'une justice expéditive et populaire. La conception "coupable car accusé" renvoie "à la révolution française, les purges du stalinisme dans l'ex-URSS, la révolution culturelle en Chine, la dictature des généraux en Argentine ou les premiers jours de la révolution iranienne".

Deneuve interroge: "Il y a, je ne suis pas candide, bien plus d’hommes qui sont sujets à ces comportements que de femmes. Mais en quoi ce hashtag n’est-il pas une invitation à la délation? Qui peut m’assurer qu’il n’y aura pas de manipulation ou de coup bas? Qu’il n’y aura pas de suicides d’innocents?"

"La condamnation sans procès, c'est le début de la réponse à un manque de justice, que le système soit corrompu comme dans la période pré-révolutionnaire en France, ou qu'il n'y en ait simplement pas comme au Far West, alors les populations prennent elles-mêmes les choses en mains", écrit quant à elle l'auteure de La servante écarlate. "Si tout le monde adoptait la Déclaration universelle des droits de l'Homme, il y aurait égalité des sexes" précise l'écrivaine.

Un moment important

Très active sur son compte Twitter, elle a répondu à ses détracteurs tout au long de la journée de dimanche. Certaines femmes l'accusaient d'avoir signé une pétition en soutien à un professeur d'université poursuivi pour harcèlement. "Partager un tweet n'est pas l'approuver. Nous devons être conscients des avis qui ne sont pas les nôtres", a-t-elle posté sur son compte Twitter: "Sinon je posterai beaucoup de choses sur les pieuvres et un monde sans plastique". 

Margaret Atwood a conclu sa tribune en rappelant qu'une "Guerre entre les femmes, par opposition à une guerre contre les femmes, est toujours agréable à ceux qui ne veulent pas de femmes". En rappelant que notre époque "est un moment très important", elle "espère" qu'il ne sera pas "gaspillé". 

Une époque qui inquiète Catherine Deneuve: "J’ai (...) signé ce texte pour une raison qui, à mes yeux, est essentielle: le danger des nettoyages dans les arts. Va-t-on brûler Sade en Pléiade ? Désigner Léonard de Vinci comme un artiste pédophile et effacer ses toiles? Décrocher les Gauguin des musées? Détruire les dessins d’Egon Schiele? Interdire les disques de Phil Spector? Ce climat de censure me laisse sans voix et inquiète pour l’avenir de nos sociétés."

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