Du profond Javier Cercas au plus léger Raphaël Quenard, de l’expérimenté Emmanuel Carrère à la jeune Gabrielle de Tournemire, une quarantaine d’auteurs ont animé les places et ruelles de Manosque à l'occasion des 27e Correspondances, organisées du 24 au 28 septembre.
Des ventes de livres en baisse
Sous le soleil et la fraîcheur des premiers jours d’automne, tous les rendez-vous ont trouvé leur public au complet, qu'il s'agisse des lectures payantes du soir ou des rencontres gratuites en journée, permettant de tabler sur une participation stable d’environ 15 000 visiteurs.
Les séances de signatures qui ont suivi les échanges ont été dans l'ensemble moins performantes que l'an dernier. Cette année, trois librairies de la ville se sont partagé les espaces de ventes. Avec un espace en moins mais celui de la place de la mairie doté d'une plus grande scène, la librairie Le Petit Pois a écoulé 50 % de livre en moins par rapport à 2024, avec 370 copies de 41 titres sur les 45 de la programmation.
Constat de baisse également pour l'autre enseigne, l'Arbousier, qui détenait deux espaces de ventes. Les derniers jours de l'apesanteur, de Fabrice Caro (Gallimard), s'est écoulé près de deux fois plus que Kolkhoze d'Emmanuel Carrère (P.O.L) et Et toute la vie devant nous, d'Olivier Adam (Flammarion), cofondateur du rendez-vous en 1999 et sur le podium des meilleures ventes du Petit Pois.
Nathacha Appanah en signature aux Correspondances de Manosque, le 26 septembre 2025- Photo © EDPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Malgré ces résultats de ventes libraires décevants et alors que la conjoncture est à la baisse drastique des subventions pour les manifestations culturelles, le rendez-vous de Manosque préserve pour le moment ses financements, avec un budget global dépassant les 450 000 euros, financé par la Fondation La Poste et, pour un quart, par la collectivité territoriale et la mairie.
« On se sent vraiment soutenu par la municipalité qui fait également un gros travail de redynamisation du centre-ville qui en avait bien besoin », confie Olivier Chaudenson, codirecteur et fondateur du rendez-vous qui raconte que depuis 1999, l’objectif réussi est « d’intégrer la littérature, les lettres et les écritures au sein de la cité dont les places et les rues forment un écrin merveilleux ».
Emmanuel Carrère en discussion aux Correspondances de Manosque, le 27 septembre 2025- Photo © EDPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
La mairie, qui s’est également engagée dans un programme de valorisation de l’œuvre de Jean Giono (lire par ailleurs), compte sur l’aura des Correspondances pour faire valoir sa candidature au label de « ville créative » de l’Unesco, dans la catégorie littérature.
À Manosque, un écosystème autour du livre
Le maire (LR) de l’agglomération de 25 000 habitants, Camille Galtier, estime que cette distinction constituerait « une reconnaissance du travail qui est fait depuis 25-30 ans » autour du livre.
En plus des Correspondances ou de la maison Giono, tout un écosystème autour du livre s’est développé dans la cité de la Durance, avec l’association Éclats de lire, l’ouverture d’une deuxième médiathèque, une bibliothèque sonore et toujours trois librairies indépendantes dans la cité, malgré la fermeture de celle spécialisée en BD Forum BD, au mois de mars dernier.
« Je ne suis pas certain qu’en France il y ait beaucoup de cas comme cela pour des villes de cette taille », claironne l’édile. Une cinquantaine de villes sont labellisées ville créative par l’Unesco dans la catégorie littérature depuis 2004, de Rio de Janeiro à Ljubljana en passant par les françaises Angoulême (depuis 2019) et Lyon (depuis 2008). « Cela ne va pas apporter de moyens mais une visibilité et une reconnaissance », explique l’élu qui considère « qu’il n’y a plus d’argent » public et qu'il « faut donc faire autrement ».
Laurent Gaudé lors d'une rencontre aux Correspondances de Manosque le 26 septembre 2025- Photo © EDPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Face à la baisse généralisée de la lecture, la mairie développe des initiatives. Dernièrement, elle a élargi à l’agglomération de communes son dispositif de distribution de L’Homme qui plantait des arbres, de Jean Giono (Gallimard), aux élèves de CM2. « Est-ce qu’on résiste ou on se résigne ? philosophe Camille Galtier. S’il y a un effort à faire sur le budget de la lecture, c’est bien sur la littérature, notamment parce que les montants sont moins importants que dans d’autres industries culturelles », justifie-t-il.
Fabrice Caro en séance photo avec Joël Saget, de l'Agence France Presse, à Manosque le 26 septembre 2025- Photo © EDPour télécharger ce document, vous devez d'abord acheter l'article correspondant.
Reconnaissance ou non de la ville par l’Unesco, les Correspondances de Manosque sont assurées de perdurer ces prochaines années, marquant la résilience d’une filière face aux difficultés conjoncturelles.
Restauration de la maison Jean Giono : un chantier à 2,5 millions d'euros en quête de financement
La restauration de la maison de l'écrivain Jean Giono à Manosque, acquise par la mairie en 2016, a débuté au printemps dernier. D’un montant global de 2,5 millions d'euros, elle vise à restituer l'état des lieux tel qu'il était au décès de l'auteur, en 1970.
La maison principale, d'une centaine de mètres carrés, abritera les 8 500 ouvrages de la bibliothèque personnelle de l'écrivain, actuellement stockés sous la responsabilité du Centre Giono. Cette collection, dont la moitié seulement subsiste selon Sylvie Giono, fille de l'auteur, comprend de nombreux ouvrages annotés de marginalia utilisés par l'écrivain pour ses créations.
Un centre culturel de 100 mètres carrés, incluant un espace café et une salle d'exposition, sera édifié dans une parcelle limitrophe à la maison de l’auteur.
Un petit atelier technique remplacera une extension postérieure déconstruite. Il abritera équipements de chauffage et collections en cours de restauration, dans le cadre d'un partenariat avec l'Institut national du patrimoine permettant à des étudiants restaurateurs d'intervenir sur les ouvrages.
Collecte en difficulté
La Fondation du patrimoine coordonne une collecte publique ciblant 150 000 euros. À ce jour, 50 000 euros ont été rassemblés. La direction de la Culture de Manosque sollicite les professionnels du secteur éditorial pour relayer l'appel aux dons et élargir la mobilisation au-delà du territoire local.
Le projet prévoit d'ouvrir le bastidon, acquis tardivement par Jean Giono en 1969, aux résidences d'écrivains et d'artistes. L'ensemble architectural vise à créer un lieu vivant dédié à la création contemporaine tout en préservant l'authenticité des espaces de travail et de vie de l'auteur du Hussard sur le toit (Gallimard). Les travaux doivent se poursuivre jusqu’en février et la réouverture du site est prévue au mois de mars.
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