Jeune fille, Chantal Thomas fit un grand voyage. Et si depuis ses pas l’ont porté vers New York, Buenos Aires ou le Japon, jamais peut-être n’en fit-elle de plus essentiel et formateur. Elle quitta le pays de l’enfance, Arcachon pour Bordeaux et la faculté de lettres. Bordeaux, sa façade sur la Garonne, sa place de la Bourse et celle des Quinconces, son "conservatoire" d’une beauté inégalée en France de l’architecture du XVIIIe siècle. Le reste relève des causes et des effets. De la conviction qu’elle se forge alors que cette histoire-là se vit au présent et qu’elle est très intimement sienne. Que ce siècle que l’on dit des Lumières, ses œuvres aussi, rayonne tout au long de son parcours, qu’il la traverse autant qu’il est traversé par elle. L’œuvre romanesque en témoignera bien sûr, comme ses essais et travaux à propos de Sade, de Casanova ou du prince de Ligne. Pourtant, les correspondances les plus fécondes sont aussi les plus immatérielles. Ce que Chantal Thomas doit au XVIIIe siècle, c’est d’abord un climat, quelque chose qui relève du goût du bonheur et du souci sensuel de la forme. Un libertinage qui jamais ne s’offrirait grossièrement comme tel, mais comme une méthode pour affronter le risque de sa liberté. Un truc infiniment gracieux autant que fragile.
Ce que les œuvres du XVIIIe apprennent alors à Chantal Thomas, c’est qu’apprendre à lire, c’est apprendre à vivre (et bientôt, à écrire…). Aussi, retrouve-t-on dans cet Un air de liberté qui dresse l’état des lieux de son compagnonnage amoureux avec le siècle, outre ceux déjà cités, Tiepolo, Laclos et Mozart. Indépendamment de Bordeaux et Paris, Lyon, Naples, une Europe dont les parapets ne seraient pas déjà vieux… Et puis des femmes, Mme de Tencin, Mme Roland, Charlotte Corday, centre aveugle de ces Lumières, tourment, ressentiment et beau souci. Pour finir, Chantal Thomas nous laisse en la meilleure des compagnies, celle de Mme de Staël, et en l’espoir avec elle, d’une résolution. O. M.