Sociologue et écrivain établi à Saint-Etienne mais travaillant à Lyon, Jean-Noël Blanc a pris l’habitude de surprendre ses lecteurs. Le revoici en librairie avec un roman malicieux et savamment construit, L’inauguration des ruines. Un opus étonnant où l’on découvre d’abord la gentilhommière du Briet, un domaine avec des terres. Y évoluent la vieille Joroastre qui trouve que la demeure n’a plus de digne que sa façade ; le vieux Joroastre, enfermé dans la bibliothèque avec ses livres latins ; et Kati Katia Katrina « la Sans-âge », la bonne qui traque les araignées dans la maison.
On trouve dans cette maison, un jour, un bébé abandonné, prénommé Loÿs. Et il réapparaît au chapitre suivant en vieillard soigné par une infirmière qui lui donne du « monsieur le président ». On apprendra à mieux connaître le héros de La petitepiscine au fond de l’aquarium (Joëlle Losfeld, 2007). Celui-ci a grandi près de Neaulieu, « ville chétive, à peine une bourgade, tout juste un chef-lieu ». Il fut envoyé à l’internat, chez les Jésuites. Et s’y montra rétif à l’autorité et bagarreur.
Jeune homme, on le voyait bien marié à Honorine, fille courte et épaisse d’un baron. L’élue de son cœur sera pourtant une autre : Opportune-Marie-Josèfe, fille de banquier qui accouche ensuite d’un enfant mort-né. Romancier ludique et retors, Jean-Noël Blanc s’amuse à conter son ascension dans la bonne société locale et dans l’industrie du textile. Loÿs est un homme pressé, toujours à l’abordage. « Production, marché, affaires : pas de sentiments », nous dit-on de celui qui devient de plus en plus puissant à mesure que le temps passe. Architecte de L’inauguration des ruines, Jean-Noël Blanc varie les registres narratifs avec aisance et s’autorise toutes les audaces. Très en verve, il signe ici l’un de ses meilleurs ouvrages. Un roman caracolant, plein comme un œuf, à bord duquel il fait bon voyager.
Alexandre Fillon