Essai/Royaume-Uni 17 avril Niall Ferguson

C'est le genre d'ouvrage que l'on qualifie volontiers d'ambitieux pour ne pas dire qu'il est un peu présomptueux avec son approche transdisciplinaire et globalisante du sujet. Cet historien britannique, réputé pour ses travaux dans le domaine de l'économie - L'irrésistible ascension de l'argent et Civilisations, Saint-Simon, 2009 et 2014 - et auteur d'une biographie de Kissinger, se propose de raconter l'évolution des civilisations avec une grille de lecture particulière : celle des réseaux. Car bien avant Internet, des organisations existaient. On les appelait franc-maçonnerie, Illuminati, mafias, salons au siècle des Lumières, clubs universitaires, organisations terroristes, etc.

Ces réseaux étaient issus soit de corporations, de cercles ou de sociétés secrètes (la Place), soit d'institutions hiérarchiques puissantes comme les Eglises ou les Etats-nations (la Tour). Pour ce professeur à Harvard et à Oxford, ces deux forces contraires ne cessent d'interagir pour la conquête du pouvoir. « Ces réseaux existaient dès l'aube de l'humanité, et ils sont beaucoup plus importants que ne le disent la plupart des livres d'histoire. » Pour appuyer sa démonstration, Niall Ferguson propose de nombreux schémas et graphiques assez sibyllins qui n'apportent pas grand-chose à la réflexion, d'autant que la ligne directrice de sa thèse de l'horizontal (la Place) contre le vertical (la Tour) tient la route. Il s'agit seulement de trouver une voie médiane entre une sous-estimation par les historiens traditionnels des réseaux et les théories du complot qui aboutissent à la discrimination et au racisme. Dans cet exercice d'équilibriste, il s'en sort plutôt bien.

DansHomo Deus(Albin Michel, 2017), Yuval Noah Harari envisageait l'avenir du monde avec la possibilité de voir la culture, l'écriture, la monnaie et les idées céder le terrain aux algorithmes dans une sorte de vaste collapse. Ferguson préfère observer le passé, notamment le bouleversement introduit par l'imprimerie au XVesiècle. Qu'aurait été Luther sans Gutenberg ? Sans doute sommes-nous en train de vivre une révolution similaire avec le numérique. La relecture de l'histoire de l'humanité à l'aune du seul principe Place-Tour est sans doute excessive, mais la richesse de la documentation et des points de vue inédits rend cet essai passionnant.

Niall Ferguson
Les réseaux contre le pouvoir - Traduit de l’anglais par Christophe Jaquet
Odile Jacob
Tirage: NC
Prix: 35 euros : 560 p.
ISBN: 9782738146816

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