1er roman/Suisse 3 janvier Gabriella Zalapì

Pour sa première incursion dans l'écriture avec cette fiction inspirée par sa propre généalogie, l'artiste plasticienne Gabriella Zalapì a choisi la forme du journal intime pour sonder les pensées malheureuses d'une jeune femme, à Palerme au milieu des années 1960. Antonia a 29 ans, elle est mère d'un garçon de 8 ans dont s'occupe à plein temps une gouvernante anglaise. Epouse frustrée, elle s'étiole dans son rôle de « perfect house wife », se sent comme une étrangère dans cette famille sicilienne bourgeoise et conservatrice. Cette ambiance mortifère et corsetée oppresse celle qui se vit comme « l'obligée » d'un mari à l'esprit étriqué, elle qui est issue d'une famille cosmopolite éclatée. 

Gabriella Zalapì consigne avec finesse les états d'âme d'une fille apparemment gâtée dans une époque et un lieu encore figés dans le temps. Mais derrière la dépression d'une femme qui rêve de couper sa corde, le roman dévoile le destin d'une famille austro-britannico-sicilienne dont les déchirures épousent les chaos de l'Europe de la première moitié du XXe siècle. Du côté maternel, les grands-parents sont des Juifs viennois : Vati le grand-père, collectionneur de tableaux flamands au « charme Mitteleuropa », a quitté l'Autriche juste avant la guerre, au moment de la montée de l'antisémitisme, et a refait sa vie au Brésil. Son ex-femme, pianiste, vit à Genève avec leur fille unique, la mère d'Antonia. Côté paternel, il y a la défunte Nonna, une aristocrate anglaise, mère du père d'Antonia mort aux combats en 1940. C'est la grand-mère adorée, dont la famille implantée en Sicile depuis trois générations a été expropriée de son domaine viticole et de sa maison aux 27 pièces et au jardin paradisiaque. C'est à travers les lettres et les photos conservées par Nonna dont elle vient d'hériter qu'Antonia va partir sur les traces de ce passé marqué par l'exil, entre Vienne, Nassau, Londres, Kitzbühel et Palerme. Devant un étonnant cliché de famille qui la représente petite fille - reproduit comme une dizaine d'autres tout au long du journal -, Antonia, à la recherche de son identité, note, étonnée par la justesse de la photo : « Contrairement aux autres, elle ne représente pas une figure qui pose, mais un mouvement. J'y figure presque en pleine chute. Déjà en déséquilibre. »

Gabriella Zalapi
Antonia : journal 1965-1966
Zoé
Tirage: 4 000 ex.
Prix: 12,50 euros ; 112 p.
ISBN: 9782889276196

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