Échardes conjugales. Leo et Simon forment un duo fusionnel. Cette décennie d'amour les a aidés à refermer leurs plaies. « Chacun de notre côté, nous avions encaissé notre lot de coups durs et nous nous en étions sortis », note l'héroïne. Difficile d'imaginer qu'ils puissent se sentir enfermés un jour dans un huis clos sans issue. Et pourtant... « Je me sens prise en étau. Je suis une balle anti-stress dans la main d'un géant invisible. Lentement, mais sûrement, je me sens écrabouillée. » Comment Leo en est-elle arrivée là ? Peu à peu, elle se confie quant à l'érosion de sa vie et la confusion de ses émotions. Tel un inconnu, Simon s'enfonce dans un sillon angoissant, marqué par un tatouage et sa démission professionnelle. Son comportement étrange ne fait que s'aggraver au fil du temps. Leo a du mal à en parler à ses amis proches. Pour freiner la chute inéluctable, elle se remémore leur histoire en espérant y glaner des explications. Force est de constater que leur couple s'est fondé sur des fissures. « La genèse de notre relation n'a rien d'étourdissant... » Lors de ses premières années d'études, Leo regarde à peine ce garçon renfermé. Elle était « en mode survie » après une expérience traumatisante. Simon avait lui aussi subi une perte. « Notre appartement devait être pour nous un domicile, mais aussi un hommage à nos mères. C'était l'odeur d'un foyer », à Bruxelles. Un foyer menacé par l'aliénation de Simon, atteint de bipolarité. Pas évident de lui faire accepter ce diagnostic, qui déteint sur sa bien-aimée. « Qu'est-ce que tu répondrais à la question "Qui suis-je ?" » demande Simon. Leo ne sait plus, tant elle s'est perdue dans cette ambiance dépressive. Alors elle l'encourage à se faire soigner, mais l'internement s'impose après des soupçons inquiétants. « Je m'appelle Simon et je suis M... Magistral ? Mirifique, masculin ? Mégalo, mythomane, méfiant, maniaque ? Monstrueux, minuscule, massacreur de chats ? Motivé pour guérir ? » Il semble avoir déserté son propre corps, assommé par les traitements. Un psychiatre interroge sa compagne : « Comment décririez-vous l'ancien Simon ? » Leo se liquéfie car Simon paraît si lointain. Alors que ses meilleurs amis vont avoir un bébé, elle porte ce boulet lui rappelant que son amour souffrait déjà depuis un moment de l'ennui du quotidien. Aussi crée-t-elle un avatar journalistique pour briser les tabous de la dépression et son impact inévitable sur le couple. « Si seulement on pouvait acheter des pilules de confiance en pharmacie. Car la confiance, c'est comme un pansement : une fois arraché, ça ne colle plus jamais bien. » Doit-elle renoncer à Simon ?
La trentenaire Lize Spit s'est imposée sur la scène littéraire belge et internationale avec un premier roman marquant comme un coup de poignard. Débâcle reflétait déjà une violence insidieuse et un sens aigu de la psychologie. L'autrice réitère avec un texte glaçant et étouffant qui découpe la vie conjugale au scalpel. « L'espoir est cet air qu'on bat en émulsion pour alléger les choses, mais c'est aussi ce qui peut justement les faire retomber comme un soufflé. »
Je ne suis pas là Traduit du néerlandais par Emmanuelle Tardif
Actes Sud
Tirage: 7 000 ex.
Prix: 24 € ; 512 p.
ISBN: 9782330173531