Tout comme Romeo et Juliette, Paul et Virginie, à l’île Maurice, incarnent la quintessence romantique. L’histoire "d’un amour maudit" et impossible que Genie ne se lasse pas d’entendre. Son prénom et celui de son frère chéri proviennent de cette légende. La leur s’inscrit dans une autre perte. Celle d’une terre originelle qu’ils ont quittée pour rejoindre Londres dans l’espoir d’y trouver un nouveau havre familial. Or Paul reste profondément perdu. "Durant ces dernières années, toutes les possibilités qui s’étaient offertes à lui s’étaient éloignées."
L’errance et la drogue étant ses échappatoires, il entraîne sa sœur, Genie, dans sa spirale infernale. Lorsque celle-ci se réveille à l’hôpital, elle ignore quel "accident" l’a conduite là. Pourquoi Paul l’a-t-il abandonnée? Pour rassembler ses souvenirs, Genie doit trouver un ciment précis: son frère, "parce [qu’elle] l’aime plus qu’il ne s’aime lui-même". Elle affiche une propension à l’autodestruction, que retrace son ami Sol ou son ex, Eloïse. Un trop-plein de coups a fini par balafrer son corps et son esprit. "Parfois, quand tu vis sur une île, fixer la mer, c’est comme regarder les autres murs de ta prison." C’est pourtant sur l’île Rodrigues qu’il vient se réfugier. Comme pour renouer avec les racines de son être, assorti à ce lieu dévasté par un cyclone.
Ce premier roman de Natasha Soobramanian est traduit par Nathacha Appanah. Il y a d’ailleurs une certaine parenté entre leurs voix, leurs personnages écorchés et leur description d’une violence ravageuse. Une façon de rendre hommage à la réalité mauricienne. Kerenn Elkaïm