31 JANVIER - HISTOIRE France

Il s'était rêvé poète, il finit au Panthéon, notoirement méconnu. Il fallait bien que quelqu'un nous dise pourquoi Pierre-Jean-Georges Cabanis (1757-1808) fait partie des grands hommes auxquels la patrie est reconnaissante. Ce n'est pas pour ses vers, mais comme médecin et philosophe qu'il repose dans l'ancienne église reconvertie en temple de la nation.

Yves Pouliquen- Photo DR/ODILE JACOB

Un paradoxe pour cet athée non pratiquant qui donna dans l'anticléricalisme durant la Révolution et le Directoire. Yves Pouliquen raconte tout cela de manière précise, avec une empathie sincère pour ce Corrézien monté à Paris pour devenir écrivain et qui fut happé par la politique.

Né en 1931, membre de l'Académie française et de l'Académie de médecine, Yves Pouliquen a dirigé le service d'ophtalmologie de l'Hôtel-Dieu de Paris. Connu pour ses travaux sur la chirurgie de l'oeil et sur la cataracte, ce professeur s'est aussi beaucoup intéressé à l'histoire de sa discipline, au siècle des Lumières et à la Révolution. Ce livre s'inscrit donc comme une suite logique à sa biographie de Félix Vicq d'Azyr (Odile Jacob, 2009), le médecin de Marie-Antoinette et de Louis XVI.

Cabanis lui aussi vécut la Terreur, dont il réchappa au sein d'un petit groupe détesté par Robespierre, réuni à Auteuil autour de Mme Helvétius et qui se nommait les "idéologues". Sous l'influence de Condillac et de La Mettrie, Cabanis profita de la Révolution pour faire passer quelques idées sur l'organisation des hôpitaux, la psychiatrie, les soins dispensés aux pauvres et mettre au point son oeuvre majeure sur les Rapports du physique et du moral de l'homme, publiée en 1802.

Yves Pouliquen nous montre l'ascension de ce mélancolique frénétique, protégé de Turgot, documentaliste puis médecin de Mirabeau, qui participe au coup d'Etat du 18 Brumaire. Ses rapports avec Bonaparte sont ambigus, mais pendant le Directoire, le sénateur Cabanis impose davantage ses vues en philosophie qu'en politique.

Pouliquen fait de lui un précurseur de Darwin, ainsi qu'un savant qui dota la pensée d'une origine exclusivement cérébrale, introduisant donc la physiologie dans la psychologie. Mais surtout, il fut l'homme qui avait compris la responsabilité et la place du médecin dans un monde nouveau. Il méritait donc bien la sienne sur la montagne Sainte-Geneviève.

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