Récit/Japon 6 février Hirô Onoda

C'est une des histoires les plus incroyables qu'on ait jamais lues, et pourtant elle est absolument authentique. Durant près de trente ans, du début de 1945 au début de 1974, le sous-lieutenant japonais Hirô Onada, 23 ans au début de l'aventure, est demeuré dans la jungle de l'île de Lubang, aux Philippines, d'abord avec quelques-uns de ses hommes, puis tout seul à partir de 1972, à mener une sorte de guérilla aussi démente que vaine. Au début, informés, par des tracts largués par les Américains, de la fin de la guerre le 15 août 1945, ils ont refusé d'y croire, persuadés que c'était une « fake news » et un piège. Puis, au fil des années, bombardés de messages de leurs proches, de photos, de journaux, et même, à partir de 1965, disposant d'un poste de radio leur donnant des nouvelles du monde, ils n'ont jamais pu admettre la défaite du Japon. La preuve : tout ce que le pays avait réalisé depuis. Une expédition allait venir les chercher.

Quant à Onada en particulier, un autre motif, d'ordre élevé, lui interdisait de se rendre. Conformément au code de l'honneur nippon traditionnel, hérité des samouraïs, qui érige le respect de la parole donnée en pierre angulaire de ses valeurs, augmenté d'un sens aigu du devoir et de la hiérarchie, il lui était impossible de capituler sans en avoir reçu l'ordre formel du supérieur direct qui l'avait envoyé, après son instruction en 1944 en tant qu'officier de renseignement, mener une guérilla clandestine, sans merci, aux Philippins alliés des Américains. Il a fallu, en mars 1974, que le major Taniguchi en personne, retraité depuis longtemps, fasse le voyage jusqu'à Lubang, muni d'ordres écrits, pour qu'Hirô Onada accepte enfin l'évidence, se rende et s'envole vers le Japon, près de trente ans après l'avoir quitté. C'est un jeune homme, Nirio Suzuki, passionné par cette histoire et qui s'était pris d'amitié pour le soldat perdu, qui a tout organisé avec les frères et sœur de Hirô, si impatients de le revoir.

Dès sa « libération », Onada est devenu au Japon une vedette, un héros national, et il a publié son témoignage, lequel nous parvient aujourd'hui. Bien sûr, c'est un livre de fidélité à ses valeurs, mais absolument pas celui d'un va-t-en-guerre fanatique. Ecrit dans un style clair, précis, direct, avec pas mal de simplicité, voire d'humour, mêlant les faits avec les réflexions, Au nom du Japon analyse l'histoire de son héros : « J'étais jeune, j'avais perdu la tête », écrit-il. Et s'interroge, tout à la fin : « Pourquoi m'étais-je battu ici pendant trente ans ? Pour qui ? Pour quelle cause ? »

Après son retour à la vie civile, Onada est allé habiter et travailler un temps au Brésil, chez l'un de ses frères, comme éleveur. Puis est retourné au Japon. Il est mort à Tokyo en 2014, à presque 92 ans.

Hirô Onoda
Au nom du Japon - Traduit du japonais par Sébastien Raizer
la Manufacture de livres
Tirage: 10 000 ex.
Prix: 20,90 euros ; 320 p.
ISBN: 9782358875974

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