Sur la photo de classe de première L de ce lycée de province, en 1996-1997, posent les élèves, indifférenciés, et leur professeur d’anglais, Louis Claret. Il n’imaginait pas que, vingt ans après, l’un d’entre eux, Alexandre Laudin, devenu un peintre célèbre, resurgirait dans sa vie bien vide, en prendrait subrepticement le contrôle, jusqu’à la bouleverser.
C’est à un vernissage qu’ils se retrouvent, comme par hasard. Puis Alexandre s’arrange pour revoir Louis, afin de lui demander une faveur : faire son portrait. Il accepte, et commence à poser pour de longues séances, durant lesquelles se crée entre les deux hommes une espèce de familiarité, puis d’intimité. Tout en posant, Louis se remémore un certain nombre de souvenirs : le suicide en Ecosse de son copain Arnaud, le naufrage de son mariage avec Anne, l’éloignement de leurs deux filles, déjà adultes… Petit à petit, Alexandre le subjugue, envahit son espace, lui confie ce qu’il n’a jamais avoué à quiconque. Ses souffrances d’adolescent gay qui devait se dissimuler, son amour pour lui, refoulé, sa maladie, une polyarthrite rhumatoïde incurable… Le premier portrait achevé, s’ensuit un deuxième, torse nu, puis l’idée "baconienne" d’un triptyque est évoquée. Pour ce dernier tableau, Alexandre l’entraîne à Vienne - pourquoi Vienne ? - où le modèle doit se laisser photographier entièrement nu. Louis consent, puis se dérobe, s’enfuit, ne donne plus signe de vie. Leur histoire trouvera son épilogue dix-huit mois plus tard, en Ecosse.
On n’en dira pas plus, afin de préserver la magie de ce roman intimiste, qui plonge au tréfonds du cœur de ses deux héros, l’un s’emparant de "l’essence de l’autre", lequel accepte de se mettre en danger absolu, avec une sorte de plaisir pervers, pour la dernière fois de sa vie. J.-C. P.