18 août > Premier roman France

Sokcho est une ville de bord de mer, en Corée de Sud, près de la très fermée Corée du Nord. Un homme arrive seul en hiver dans la pension décrépie où est employée depuis un mois, comme cuisinière et femme de chambre, la jeune narratrice. Sur son passeport, elle lit qu’il est né à Granville en 1968. Il est auteur de bandes dessinées dont une série qui a pour héros un archéologue. Elle a 23 ans, un père français "reparti sans laisser de traces" avant sa naissance, une mère qui travaille comme poissonnière sur le port de pêche. Elle a étudié la littérature coréenne et française à Séoul et envisage de se marier avec un apprenti mannequin.

Tout cela se dévoile au fil des rencontres entre l’hôte solitaire et la jeune femme qui propose de l’accompagner dans une virée vers le no man’s land frontalier, pour acheter des fournitures en ville. Ils communiquent en anglais. S’épient. Elle le surprend à la regarder à la dérobée avec "un air avenant mêlé d’ennui". Il ne mange rien de ce qu’elle prépare et ça la vexe en silence. La nuit, elle entend la plume griffer les feuilles à dessin et le matin retrouve déchiquetées dans la poubelle des esquisses de corps de femmes noyés dans l’encre noire. Mais tout en se rapprochant, les deux restent intimidés l’un par l’autre. Opaques l’un à l’autre.

Plus facile de dire ce que le court premier roman intimiste et délicat d’Elisa Shua Dusapin, une Franco-Coréenne de 24 ans, n’est pas : une romance entre deux étrangers avec montée convenue d’une tension érotique. La phrase est aussi pleine de réserve, de non-dits, que la relation reste irrésolue, et les gestes ébauchés. Frustration, indétermination, lassitude rendent la séduction oblique. Corps et émotions, engourdis par le froid glacé de Sokcho, dégèlent lentement. Véronique Rossignol

20.05 2016

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