Ouverte avec la polémique Roberto Saviano (écarté de la délégation italienne avec plusieurs auteurs qui avaient critiqué le gouvernement de Giorgia Meloni par le passé) et le discours du ministre de la culture italien Alessandro Giuli, tout juste nommé en septembre après la démission de son prédécesseur, qui a néanmoins plaidé pour « la défense de la liberté d'expression », la 76e Foire du Livre de Francfort a vu ses compteurs de fréquentation augmenter cette année. « Nous avons eu +6% de visiteurs mercredi et +10% jeudi », affirme à Livres Hebdo Jurgen Boos, le directeur de la Foire, estimant que le rendez-vous a été un bon cru pour les échanges autour de l'industrie du livre.
Avant de retrouver plusieurs focus dans la Newsletter Internationale de Livres Hebdo à paraitre ce mardi 22 octobre, voici un bilan des temps forts du millésime 2024 de la FBM.
- Côté français, un marché « sérieux »
Des allées clairsemées mais des carnets de rendez-vous pleins, c'est le contraste sur le stand français du Bief, un espace géant de plus de 1 200 m2, où s'exposaient plus de 167 maisons d'édition. Un record lié notamment à la présence des maisons d'Hachette sur le stand commun. Dans cette période où tout le monde fait attention à la dépense, « on reste moins longtemps que par le passé », explique Geneviève Rudolf de Citadelle & Mazenod. Cela n'a pas empêché le Syndicat national de l’édition de présenter lors du cocktail d'inauguration ses préoccupations du moment : le projet Fileas de suivi des ventes en temps réel. « Nous espérons pouvoir lancer ce portail lors du prochain Festival du Livre de Paris en avril », a déclaré la vice-présidente du syndicat Marion Glénat, tandis que les hot titles (lire ci-après) commençaient à émerger. « Le marché s'est réveillé au début de la semaine, alors qu'il était vraiment plus atone que d'habitude au début du mois », a remarqué Pauline Buisson de l'agence V&P Scouting. « C'est un marché sérieux, sans effervescence, mais cela bouge sur le long terme : il se régule », analyse de son côté Philippe Robinet de Calmann-Levy.
« Une très bonne foire pour le marché français »
- Les patrons se lancent, et se confient...
À Francfort, les grands dirigeants du monde de l’édition ne sont jamais bien loin des scènes. Avec cette année des accents plus intimes. À commencer par Arnaud Nourry, l’ex-dirigeant de Hachette Livre et fondateur des Nouveaux éditeurs, venu se confier sur ses trois années de « full break », ses petits-enfants et sa volonté de quitter le monde de l’édition… avant d’y revenir les idées plus fraîches que jamais.
Pour sa part, David Shelley, à la tête de Hachette Book Group US et UK, est venu raconter sa nouvelle vie transatlantique, et sa double casquette de capitaine d’un mastodonte de l’industrie à New York comme à Londres. « J'ai des idées très tranchées sur ce qu'est la couverture idéale pour un livre ou un marché. J'ai des idées très, très tranchées sur le marketing. Et le plus difficile dans un rôle comme celui-ci est probablement de toujours apprendre à prendre du recul et à ne pas interférer », a-t-il déclaré, ajoutant : « On ne peut pas vraiment être perfectionniste, ou on ne peut pas vouloir que tout soit fait parfaitement tout de suite, car ce n'est pas humainement réalisable. »
Autre prise de parole très suivie, celle de Jonathan Karp de Simon & Schuster et de Richard Sarnoff de KKR, le fonds d’investissement ayant racheté ce leader de l’édition américaine, lors du Global 50 CEO Talk organisé en partenariat avec Livres Hebdo. Il aura ici été question d'acquisitions et projets de croissance externes. « Nous serions intéressés par le bon accord avec le bon éditeur, n’importe où où l’occasion se présentera », a ainsi lancé Jonathan Karp, pensant au marché britannique notamment.
Lors du Frankfurt Rights Meeting, l’ancienne directrice de Penguin Random House US, Madeline McInstosh, était aussi venue présenter le projet de start-up le plus suivi du monde du livre américain : Authors Equity, qu’elle a confondée en mars. Avec pour objectif de sortir du modèle commercial traditionnel de l’édition et de remodeler la relation avec les auteurs.
- IA : « Un moment crucial pour notre industrie »
Ateliers, keynotes, débats et prises de paroles en tous genres : évidemment, l’intelligence artificielle et ses impacts dans l’édition et la création artistique étaient une nouvelle fois au cœur des débats. « C'est un moment crucial, pour notre industrie », a résumé David Shelley de Hachette Book Group US et UK. Avec un aspect souvent plus positif que ces derniers mois. "Nous ne sommes plus au stade de la chasse aux sorcières ni de la recherche de la hype avant tout", explique un représentant de la société Wiley, une librairie en ligne, lors d'une présentation. « Le but est maintenant d'intégrer l'IA dans notre quotidien d'éditeur, sans endommager la vie et le travail des auteurs et créateurs », a aussi lancé Arnaud Nourry. « Marketing digital, pitch de nos œuvres aux éditeurs étrangers, distribution, aides à la décision sur les tirages… ce que peut nous apporter l’IA est très large », a-t-il ajouté.
- 2025 : les Philippines se dévoilent
Enfin, en prévision de leur invitation d’honneur pour 2025 (une grande première), les Philippines ont dévoilé en fin de salon les premiers détails de leur programme : identité visuelle et premiers noms d’invités, comme Jaya Jacobo, Ferdinand Benedict « Budjette » Tan, créateur de Trese Comics, hommage au héros national José Rizal… Le thème de cette invitation d’honneur a également été dévoilé : « L’imagination peuple l’air ». « Même si les Philippines sont la treizième plus grande nation du monde avec plus de 109 millions de citoyens, je pense que pour beaucoup d’entre nous en Europe, la littérature philippine est encore un territoire plutôt inconnu. Alors que le pays assume son rôle d’invité d’honneur, nous en apprendrons beaucoup sur l’importance de la narration et sur la scène culturelle actuelle pour la société civile philippine. Avec pas moins de 183 langues différentes parlées sur ses 7 641 îles, les influences diverses du pays sont l’un des aspects que j’ai hâte de voir à Francfort en 2025 », indique Jurgen Boss.
Sur la Buchmesse 2024, les Philippines présentaient déjà plus de 70 éditeurs et 700 titres. À noter que pour développer les traductions depuis la littérature philippine, le National Book Development Board philippin offrira des subventions aux éditeurs mondiaux intéressés.