"A l’heure de l’indignation en ligne, le travail des sensitivity readers aboutit-il à de meilleurs livres ou à de la censure ?" s’interrogeait le New York Times fin décembre. Dans une période où une campagne sur les réseaux sociaux peut conduire au retrait d’un livre, l’écosystème de l’édition américaine s’est doté d’un nouveau type de professionnel. Le sensitivity reader, ou "démineur de polémiques", est un lecteur sensible aux stéréotypes qui pourraient blesser des minorités. Au sens très large: Afro-Américains, LGBTQ, juifs, musulmans, femmes ou obèses.

Ces conseillers très spéciaux sont saisis soit par l’auteur directement, soit par l’éditeur. Harlequin en a embauché deux. Scholastic ou Tu Books y ont régulièrement recours. Le secteur jeunesse, et particulièrement young adult, missionne de plus en plus ces professionnels qui passent au crible les romans pour détecter les passages inappropriés ou les préjugés intériorisés et suggérer des changements.

Le roman adolescent essaie d’être le reflet de la société dans sa diversité, et les auteurs se retrouvent à écrire "en dehors du champ de leur propre culture ou expérience", précise dans le New York Times David Levithan, vice-président de Scholastic, qui utilise régulièrement les services de relecteurs dotés de cette expérience. D’ailleurs, la base de données de ces sensitivity readers les classe par champs d’expertise (race, religion, handicap, sexisme, homophobie, maladies mentales) en fonction de leur origine ou de leur parcours de vie: "femme noire bisexuelle", "Indienne de la communauté dalit", "juive ayant eu 5 échecs de FIV avec un mari souffrant d’un cancer du cerveau", "Sud-Américain sans papier", "amputé". De quoi rire… ou pleurer. A.-L. W.

16.03 2018

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